Crédit photo : Emile Zeizig
De et mise en scène par Aristide Tarnagda, avec Lamine Diarra, Amidou Bonsa, David Malgoubri, Salifou Ouedraogo
Du 15 au 26 septembre 2015 à 20h au Théâtre de Poche
Ah qu’il est bon de retrouver le Théâtre de Poche en ce début de saison !
Oserais-je dire « notre théâtre de Poche à tous » tel qu’on le connaissait avec son feu ouvert, son équipe conviviale, ses pièces engagées et audacieuses,… Ce fut donc un réel plaisir d’assister à cette première qui faisait l’ouverture du théâtre à la lisière du bois.
Une pièce faisant écho à l’actualité européenne et trahissant la maladie du vieux continent qui oscille, bon an mal an, sur un fond légèrement schizophrénique, entre solidarité et rejet de l’autre. Une pièce qui nous propose de prendre enfin le temps d’écouter l’histoire de « l’Exilé », d’entendre son souffle, de sentir ses vibrations, peu importe qui il est et d’où qu’il vienne. Dans ce spectacle, le temps est étiré et celui d’un feu rouge dure toute une pièce, voir toute une vie pour qu’enfin le récit de « l’Exilé » décroche dans nos coeurs la place qui lui est due.
Dans Et si je les tuais tous Madame ?, nous sommes à la fois partout et nulle part, au milieu d’une ville, d’une rue, d’un pays,… Nous sommes en tout cas sans aucun doute au coeur du continent humain. Celui-là même qui fera qu’elle remontera ou non la fenêtre quand il s’approchera de la voiture pour lui raconter son exil. Celui-là même qui fera qu’elle démarrera en trombe dès que le feu sera vert ou qu’elle l’invitera pourquoi pas à prendre un café.
Les paroles denses, rythmées de l’homme au feu rouge qui raconte, vont et viennent comme une musique scandée que nous suivons, un peu extérieurs à la situation.
Le metteur en scène, qui n’est autre que l’auteur lui-même, a eu en effet l’intelligence de nous extraire de notre propre culpabilité, en nous laissant à notre place de spectateurs de la situation, afin de pouvoir réellement entendre les mots de cet homme qui s’indigne de « l’insolente richesse d’une petite minorité face à la misère du plus grand nombre ». Ainsi à la manière brechtienne, des textes engagés mêlés à des chants traditionnels, nous ramène à l’ici et maintenant de nos propres vies et permettent un processus de recul. Et c’est donc « à la frontière de l’esthétique et du politique » que nous percevons l’inhumanité de la négation de l’autre et l’irresponsabilité d’une Europe abêtie par des réflexes capitalistes égocentrés.
Enfin grâce à une scénographie et des lumières sobres mais pensées ce spectacle est un tableau, une oeuvre photographique à elle-seule et nous voyageons partout dans le monde, partout là où il y a des éclats de lumières, des forces qui veulent se faire entendre et qui redonnent un peu d’espoir à cette noirceur ambiante.