scénario : Stephen Desberg
dessin : Thomas Legrain
éditions : Le Lombard
sortie : 11 septembre 2015
genre : action, thriller
Ce premier récit complet inaugure la collection Troisième vague One-shot des éditions du Lombard. Il suit Charlene Van Evera, lieutenant au passé douloureux. Celle-ci est envoyée à Bagdad afin d’enquêter sur un serial killer s’en prenant exclusivement aux musulmans. Ce dernier démembre ses victimes et y inscrit des insultes racistes. L’enquête devra donc rester discrète, afin de ne pas générer de scandale. Pour l’aider dans sa quête de la vérité, Charlene se voit adjoindre Jackson Baines, un mercenaire.
Depuis plusieurs années, les États-Unis ont une place importante dans l’œuvre scénaristique de Stephen Desberg. À moitié Américain lui-même, l’auteur n’a de cesse d’ausculter le fonctionnement et les travers de son pays d’origine, sous couverts de récits orientés vers le thriller et l’action. Avec Bagdad Inc., il s’intéresse cette fois-ci au déploiement de mercenaires en Irak. Il est accompagné, au dessin, par Thomas Legrain, autre habitué des thrillers à base politique (il dessine la série Sisco, sur un scénario de Benec).
À ce sujet, il faut reconnaître que l’album soulève des questionnements intéressants. La présence des mercenaires, qui devrait être source de sécurité n’envenime-t-elle pas, au contraire, la situation ? Dans une ville à la violence constante, il est facile de laisser libre cours à ses pulsions. Le chaos qui règne à Bagdad et l’absence de réelle autorité juridique permettent notamment à Jackson Baines l’emploi de techniques extrajudiciaires douteuses. Comme contaminée par cette ambiance souffreteuse, l’héroïne en viendra à accepter peu à peu cette manière de faire. Après tout, sans repères évidents, qu’est-ce qui différencie l’instinct de survie du meurtre primaire ?
Néanmoins, ces interrogations servent surtout de toile de fond à un thriller marquant de par son efficacité. Sur les 75 pages, pas une scène ne semble trop étendue, le scénario étant mené à un train d’enfer. Les scènes dialoguées s’enchainent, sans temps mort, avec des séquences d’action impressionnantes. Au point que l’on a l’impression de se retrouver devant un blockbuster sur papier. Cette impression est renforcée par le découpage choisi par Thomas Legrain.
Malheureusement, ce rythme effréné marque également les limites de Bagdad Inc.. Les évènements s’enchaînent sans que l’on ait réellement le temps de s’attacher aux personnages. Surtout qu’ils ne sont pas aidés par leur développement, assez caricatural. Car malgré des intentions louables, il faut reconnaître que l’album n’hésite pas à donner dans le cliché, ou à s’embarrasser d’intrigues secondaires attendues (le passé de Jackson Baines, sa relation avec l’héroïne). Autant de lieux communs qui laissent un léger arrière goût de déjà vu.