Masaan
de Neeraj Ghaywan
Drame
Avec Richa Chadda, Vicky Kaushal, Sanjay Mishra
Sorti le 16 septembre 2015
Deux destins se croisent dans Masaan : celui de Devi, jeune femme qui se fait surprendre, hors mariage, dans un lit d’hôtel avec l’un de ses amis, et celui de Deepak, amoureux d’une fille d’une caste plus élevée que la sienne. Les deux histoires se racontent sans se toucher. Seule la fin les rassemblent. L’artifice est abrupt.
Il y a du beau, dans Masaan. L’actrice Richa Chadda, superstar à l’esthétique bollywoodienne, surprend par la gravité de son jeu. Les images nous transportent, puissantes : c’est l’Inde polluée et poétique, c’est le combat d’une femme qui refuse la muselière. À l’ère de Youtube et de Facebook, ayant accès à la pornographie, Devi veut connaître le sexe libre, la rencontre physique enivrante, l’orgasme. Elle en payera le prix. L’autre histoire, celle de Deepak, colle à la musique de Coulais, composée expressément pour le film : suave, languissante, mélodramatique. Elle empiète, par ailleurs, sur la première histoire au sujet brûlant (et bien plus intéressant), celui la condition des femmes en Inde.
Quelques trouvailles néanmoins : d’abord l’arène de l’action, située à Bénarès, lieu saint au bord du Gange. Les hommes de la famille de Deepak entretiennent des bûchers (Masaan) funéraires, veillent à ce que les corps des défunts soient consommés par le feu jusqu’au crâne. La mise en scène de ces rituels est impressionnante.
Les comédiens, irréprochables, portent l’entièreté du film, redondant dans son montage et saturé par la musique omniprésente. Serait-ce dû à l’intervention de la France dans la co-production ? L’hybridation n’est qu’à moitié convaincante.
Masaan est un film qui va à tâtons, qui se cherche encore, qui hésite, et ses maladresses sont touchantes. Nul doute que le réalisateur (dont c’est le premier film) affinera son style, qu’il ira, sans confusion, vers une mise en scène précise et flamboyante, moins formatée. Sa sélection dans la catégorie « Un certain regard » à Cannes était cependant méritée. Il nous reste les images du voyage, de la traversée éprouvante de femmes et d’hommes contraints par les injustices de leur pays.