Every Thing Will Be Fine
de Wim Wenders
Drame
Avec James Franco, Charlotte Gainsbourg, Marie-Josée Croze
Sorti le 29 juillet 2015
Signé par un inconnu, Every thing will be fine nous aurait déjà agacé ; réalisé par l’auteur de Ailes du désir et de Paris, Texas, il est d’autant plus regrettable.
Wenders a d’autant moins d’excuses que l’idée originale du scénariste, le norvégien Bjørn Olaf Johanssen, est plutôt prometteuse : un soir où une épaisse neige recouvre les environs de Montréal, Tomas, jeune écrivain en panne d’inspiration, tue accidentellement un enfant. Et les questions que Wenders dit avoir voulu exprimer, en déroulant le fil de la vie de Tomas à partir de cette expérience dramatique, ont tout pour nous intéresser : « Est-il permis à un auteur de faire entrer l’expérience et la souffrance des autres dans sa fiction ? Quelle responsabilité portons-nous quand nous prenons possession de leur expérience des autres ? Quelle est la relation entre des étrangers connectés par un événement traumatisant ?». Les liens tissés par le hasard, les ressorts de la créativité, les fantasmes nés du deuil précoce, la culpabilité : Wenders disposait d’une matière susceptible de nous captiver.
Hélas, d’une très belle scène, celle de l’accident, au tout début du film, il n’a pourtant rien fait, ou presque. Pendant deux heures qui en paraissent quatre, on attend désespérément que quelque chose décolle, que la vie irrigue les veines amollies du film, que notre sensibilité trouve quelque chose à se mettre sous la dent. Ça n’arrivera pas : Every thing will be fine réussit le tour de force d’être à la fois lourd et creux, lent et peu bavard sans être ni contemplatif ni suggestif, centré sur le portrait intimiste du malheur et comme indifférent à ce malheur même. Les personnages paraissent, en effet, anesthésiés : James Franco, dont la palette d’émotion et l’expressivité sont d’une pauvreté désolante, parvient à être de tous les plans et uniformément absent.
Peut-être cette désincarnation est-elle due à la temporalité du récit : on suit la vie de Tomas et de la mère de l’enfant décédé sur une douzaine d’années, et chaque étape de leur vie n’est appréhendée qu’à travers quelques scènes. Ce dispositif ne permet jamais d’aller voir sous la surface : pour connaître ces personnages, il ne nous reste que le ton monocorde et l’air soucieux que James Franco affiche sans discontinuer pendant deux heures, aux balades que Charlotte Gainsbourg, en mère miséricordieuse et pudique, fait avec son chien à chacune de ses apparitions. Résultat : on assiste ennuyé à un drame fade, sans corps et sans cœur, qui nous rappelle, notamment à travers l’omniprésence de la musique emphatique, qu’il y a quand même là de la souffrance et qu’on devrait être bouleversé par ce long cheminement vers la rédemption. En réalité, on s’en fiche, et on ne culpabilise même pas.