scénario : Zidrou
dessin : Simon Van Liemt
éditions : Le Lombard
sortie : 29 mai 2015
genre : Polar, thriller
En reprenant l’illustre série de Tibet et Duchâteau, le scénariste Zidrou (L’élève Ducobu, Les Trois fruits) et le dessinateur Van Liemt (Poker) s’attèlent à une tâche difficile, tant Ric Hochet est à la fois un incontournable de la BD belge classique et aussi l’exemple type d’une série un peu vieillissante et ringarde, qui peinait à se renouveler et à surprendre dans ses dernières années.
On était sans nouvelle du célèbre journaliste de la Rafale depuis À la poursuite du griffon d’or en 2010 – album posthume pour Tibet, disparu en janvier de la même année. Et il faut bien avouer que les aventures de Ric Hochet, démarrées en 1964 avec Traquenard au Havre, avaient commencé à s’essouffler au début des années 2000, avec quelques tentatives désespérées de coller à leur temps sans en avoir les moyens – par exemple dans un épisode de triste mémoire, Penthouse Story, qui tentait de parodier la téléréalité de manière totalement balourde.
Ce qui a quelque peu dénaturé l’esprit de Ric Hochet, c’est précisément cette volonté d’inscrire les enquêtes du héros dans un contexte contemporain à la sortie des albums – les films d’horreur, Internet, la téléréalité, etc. – alors que l’esthétique du personnage et de son environnement renvoyait inexorablement aux années 60 desquelles il était issu. Zidrou et Van Liemt semblent avoir bien compris cela et retenu la leçon des quelques ratés récents, puisqu’ils décident tout bonnement de reformater – ou « rebooter » – la série afin de la réinscrire clairement et factuellement dans la deuxième moitié des années 60.
Cette idée de retour aux sources transparaît également dans le dessin puisque Van Liemt n’essaye en aucun cas d’imiter le trait précis des derniers albums de Tibet, mais tend plutôt à retrouver celui des premiers albums de Ric Hochet sans non plus recopier les personnages et les décors tels qu’ils furent dessinés par son prédécesseur. Il s’agit bel et bien d’une toute nouvelle série, avec un nouveau ton et un nouveau trait, mais qui garde néanmoins les grandes lignes de l’esprit de l’originale.
Néanmoins, la rupture de ton apparaît de manière forte – et presque violente – dans le scénario, dès les toutes premières pages. Zidrou prend au pied de la lettre l’adage selon lequel il faut brûler ses idoles puisqu’il fait « tuer » Ric Hochet par l’un de ses ennemis historiques (Caméléon, qui apparaissait déjà dans Traquenard au Havre, puis dans L’Ombre de Caméléon en 66), lequel usurpe ensuite son identité grâce à une opération de chirurgie esthétique des plus efficaces.
Cette prémisse en forme de trahison pure et simple à la mythologie de la série est aussi surprenante qu’audacieuse et laisse entrevoir un vrai renouveau de l’univers de Ric Hochet, qui deviendrait dès lors un tout nouveau personnage, totalement amoral. La première partie de l’album va dans ce sens et s’avère réellement savoureuse dans les commentaires « off » que fait le nouveau Ric Hochet sur les habitudes et attitudes désuètes de son alter-égo. Mais alors que l’on croyait les aventures de Ric parties sur de nouveaux rails, voici que le scénario a recours à une nouvelle pirouette pour faire retomber le système sur ses pattes et réinstaurer un certain équilibre.
La révolution ne pouvait vraisemblablement pas être totale : il faut malgré tout conserver les fans de la première heure, tout en se renouvelant. Ce premier tome des Nouvelles enquêtes de Ric Hochet se partage donc entre les tours de sale gosse que joue Zidrou au lecteur, pour mieux malmener les certitudes de celui-ci, et le respect référentiel et révérencieux envers son matériau d’origine – les liens avec des aventures précédentes sont foison. S’il est très étudié et ne prend au final que des risques calculés, ce premier album du nouveau Ric Hochet reste un vrai ravissement pour ceux qui ont côtoyé ce héros gentiment démodé par le passé, et est un joli coup d’envoi pour une nouvelle franchise, dont le deuxième épisode sera probablement plus sage et moins déboussolant.