Comme pour les quelques légendes du vieil Hollywood encore en vie, on frémit toujours en redoutant l’inévitable. Mais dans ce cas-ci, on avait plutôt tendance à croire l’homme immortel, car il n’a jamais été aussi présent au-devant de la scène que ces dernières années. Finalement, plus de Saroumane, Dracula ou encore Scaramanga, Christopher Lee est décédé à 93 ans.
Né en 1922 d’un colonel de l’armée anglaise et d’une comtesse italienne, il se passionne très tôt pour la littérature et les langues (il parle d’ailleurs anglais, allemand, italien, français, russe, espagnol, suédois, hébreu et grec) et se prépare à une vie épique et mouvementée. Il a, entre autre, servi dans les services secrets anglais avec Ian Fleming (créateur de James Bond et cousin par alliance) pendant la Seconde Guerre mondiale avant de se diriger un peu par hasard vers le cinéma.
Si sa voix et sa taille font qu’il est remarqué assez vite, cela le dessert aussi car ses partenaires de jeux ont peur de le voir attirer tous les regards. Après une kyrielle de petits rôles, il accède à la notoriété en même temps que sa rencontre avec Peter Cushing (avec qui il tournera une vingtaine de films) pour un film de la Hammer : Frankenstein s’est échappé de Terence Fisher. Il continuera à jouer pour la Hammer et devint l’interprète phare de Dracula.
Sa carrière ne décollera jamais tout à fait de ces rôles emblématiques du cinéma fantastique, mais il sut rester une star d’un cinéma plus large, en multipliant les seconds couteaux emblématiques, comme Scaramanga, le méchant du James Bond, L’homme au pistolet d’or, Rochefort dans Les Trois Mousquetaires de Richard Lester (et sa suite), ou encore des apparitions dans le rôle de Pew pour L’île au trésor (avec, entre autre, Charlton Heston et Christian Bale), dans Gremlins 2, Police Academy, 1941 de Spielberg, Dracula père et fils (le délire d’Edouard Molinaro, etc.
C’est à 77 ans que recommence la deuxième carrière de Christopher Lee, grâce aux jeunes réalisateurs fans de la Hammer : Tim Burton et Peter Jackson. Si le premier le convie à plusieurs petits rôles ou doublages, le deuxième en fera son Saroumane pour son adaptation du Seigneur des Anneaux de J.R. Tolkien (l’anecdote voulant que Lee soit le seul de l’équipe du film à l’avoir rencontré). A partir de ce moment-là, il est sollicité de toute part et enchaîne des rôles dans la deuxième trilogie de Star Wars, Hugo Cabret, Les Rivières pourpres 2, Cadavres à la pelle, ou encore les films de Tim Burton. Son dernier haut fait était d’avoir rempilé pour l’iconique rôle de Saroumane dans la trilogie The Hobbit où les dispositions avaient été prises pour ne pas le faire voyager loin de Londres (alors que tout est souvent tourné dans la Nouvelle-Zélande natale de Jackson).
Parallèlement à ses rôles au cinéma, le 21ème siècle lui permit aussi d’expérimenter plusieurs choses comme le doublage de jeux vidéo ou d’explorer le monde de la musique métal qu’il appréciait, en tant que narrateur pour des groupes comme Rhapsody of Fire et Manowar. Il poussa même jusqu’à enregistrer un album de metal symphonique nommé Charlemagne : By the Sword and the Cross.
Christopher Lee était finalement une légende dans le cœur des amateurs du cinéma fantastique et plus précisément de la Hammer. Mais, en plus d’une vie faite de curiosités, Lee a réussi à s’imposer dans l’imaginaire des cinéphiles du monde entier en étant présent dans un tas de rôles iconiques, poussant même la folie à démarrer une carrière bankable à plus de 70 ans. Malheureusement, après avoir tourné entre 200 et 300 films, il a commencé, depuis quelques jours, une troisième carrière dont nous, son public, n’aurons pas la chance d’admirer. Requiescat in pace Frankenstein, Dracula, Scaramanga, Saroumane, …