Ablations d’Arnold de Parscau
L’idée la plus intéressante d’Ablations, c’est, à mon avis, le nom du personnage principal : il s’appelle Pastor Cartalas.
Pablo Cartalas, donc, se réveille avec un rein en moins, mais il ne sait pas ce qui lui est arrivé. Il va donc mener dans son coin sa petite enquête pour essayer de comprendre, ce qui le conduira sur les traces d’un ancien chirurgien qui procède à des ablations et des greffes maison pour le plaisir de la pratique. Au passage, notre héros s’éloignera de sa femme et de son foyer – avec indifférence, semble-t-il – et renouera avec son ex.
Que dire ce premier film, sinon qu’il combine à peu près tout ce qui fait un film ennuyeux : l’acteur principal est à peu près aussi expressif qu’une huitre mal réveillée, les dialogues sont d’une platitude abyssale, l’ensemble du film manque terriblement de rythme, atteignant l’intensité d’une campagne de promotion pour le gâteau au yaourt (je ne sais pas si ça existe, mais vous imaginez). Ablations se raconte mieux par la négative : il n’est pas drôle, ne fait pas peur, et n’émeut pas. Alors qu’avec une histoire de vol d’organe, il y avait moyen de susciter quelque chose chez le spectateur. Malheureusement, les personnages pourraient perdre leurs poumons en plus de leurs reins qu’on en aurait franchement pas grand-chose à faire. Le film ne dit donc pas grand choses, ni sur l’impact que pourrait avoir l’ablation sur l’image de soi ou le rapport au corps, ni sur l’effritement d’une relation, ni sur le trafic d’organes ou la chirurgie clandestine. On a donc des scènes qui s’enchaînent et qui ne servent à rien : par exemple, au bout d’un moment, Pastor boit une bouteille d’eau d’un litre et demie. On a, en outre, des personnages complètement inconsistants ou pleins de clichés, surtout du côté féminin, entre la pauvre épouse délaissée et la maîtresse, dont la douceur apparente dissimule la mesquinerie et la possessivité, et qui doit avoir mal à la gorge à force de susurrer sans cesse pour entretenir son aura de glamour et de mystère. Les acteurs mêmes ne semblent pas y croire ; c’est peut-être par manque de conviction, d’ailleurs, que l’interprète du personnage principal articule si peu. Mais qu’est-ce que c’est pé-ni-ble ! Parfois, le scénariste Benoit Delepine et le réalisateur s’efforcent d’imprimer une patte personnelle, avec des détours par l’absurde, l’onirisme, un brin d’humour noir. Seulement, comme ces procédés ne sont pas mis au service d’un ensemble cohérent et que le film n’installe aucune atmosphère propre, ces tentatives s’avèrent bien vaines.
Ablations est donc un film mou. Mous les personnages, molle la réalisation, mou le développement de l’histoire, molles les interactions. L’atout majeur de Pastor Cartalas est toutefois de nous transmettre son indifférence absolue face à ce qui se passe à l’écran. Le deuxième atout, c’est son nom, mais comme je vous l’ai dévoilé, je ne suis pas sure qu’il soit nécessaire de se déplacer pour en savoir plus.
Witching & Bitching d’Alex de la Iglesia
C’était l’un des films les plus attendus du Bifff 2014, Witching & Bitching a rempli la salle Henry Le Boeuf de Bozar et a conquis au passage le public avec une histoire abracadabrantesque dont seul Alex de la Iglesia a le secret. N’ayons pas peur des mots, le cinéaste a probablement réalisé ici son meilleur film depuis El dia de la bestia qui l’a consacré en 1996.
Tout démarre à la Puerta del Sol, le centre géométrique de l’Espagne, où se côtoient les touristes et les personnages costumés. Justement déguisés, quatre pioupiesques braqueurs vont attaquer une banque et se diriger vers la France. Mais ceux-ci se perdent dans un village peuplé de sorcières dénommé Zugarramurdi.
Personnages hauts en couleurs, humour décapant et monstres à la Famille Adams, Witching & Bitching vous embarque dans une folle aventure dont il serait peu aisé d’en dévoiler tous les atouts. Alternant à merveille l’horreur et la dérision, Alex de la Iglesia nous propose un monde enchanteur où le burlesque va rencontrer l’incongru dans une ambiance vespérale.
Nous renvoyant aux classiques du genre horrifique, le cinéaste espagnol a littéralement scotché le public par une récit cousu de fil d’or où la fête bachique des sorcières offre au spectateur une apothéose cinématographique mêlant action, aventure, fantastique, comédie, horreur et science-fiction.
Witching & Bitching fût le coup de coeur des Goya (huit trophées remportés sur dix) et il sera également le nôtre.
(Arthur Rimbaud si tu nous lis…)
Emilie Garcia-Guillen et Matthieu Matthys