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    Entretien avec Thilde Barboni pour Monika

    Monika, vidéaste et plasticienne, accepte de cacher Théo, génial inventeur sur le point de construire un androïde convoité. Avec l’aide de son ami hacker, Monika enquête sur sa soeur disparue. Elle est alors entraînée dans le monde interlope des « bals masqués »… Elle rencontre et séduit Christian Epson, le dernier homme à avoir vu Erika. Charismatique, Epson est un politique et est en voie d’accéder aux plus hautes marches du pouvoir. Mais des attentats éclatent et viennent troubler le jeu voluptueux de la performeuse.

    Nous avons été à la rencontre de Thilde Barboni (scénario) afin d’en découvrir davantage sur son nouveau projet.

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    Monika, c’est un univers univers contrasté où évoluent des personnages à double-fond. Peux-tu nous en dire plus sur la genèse du projet, et particulièrement celle du personnage de Monika, qui semble avoir été très travaillé, à tel point que sa personnalité est plutôt difficile à saisir…

    Thilde Barboni : Monika est un personnage que je voulais entre l’ombre et la lumière, d’ailleurs la série elle-même est un diptyque travaillé entre l’ombre et la lumière. Monika progresse vers la lumière et une certaine connaissance d’elle-même. Je voulais un personnage qui se cherche et Monika traîne un lourd secret qu’elle ne connaît pas, c’est une fille qui ne se sent elle-même que lorsqu’elle est déguisée, lorsqu’elle emprunte une autre personnalité. Quand elle n’est pas fardée, elle se sent perdue, c’est une artiste un peu schizophrène qui cherche à explorer la faille qui est en elle autant qu’à la dissimuler. Son art est quelque chose d’essentiel dans sa vie. En quelque sorte, sa vie entière est une œuvre d’art, une performance. Donc voilà, je voulais vraiment un personnage à plusieurs personnalités. À cela s’ajoutent un certain nombre d’éléments, et tout particulièrement un rapport très complexe entre deux sœurs : Monika et Erika. Ces deux filles sont très différentes l’une de l’autre. Elles entretiennent un rapport d’amour haine, on ne sait pas pourquoi. Ce qui est sûr c’est qu’il y a quelque chose de très grave entre elles deux. Il faudra attendre la suite pour en savoir davantage !

    L’aspect visuel de l’œuvre marque beaucoup. L’oeuvre très sensuelle voire érotique, avec un choix de couleurs osé (domination du rose, du turquoise, du blanc), comment en es-tu arrivé là ?

    Bien sûr, le visuel est très marquant. Je vais parler au nom du dessinateur, Guillem March. Les choses se sont faites assez naturellement. Moi j’ai écrit le scénario, et c’est le directeur éditorial de Dupuis qui a pensé à Guillem pour les illustrations. Il voulait quelqu’un qui puisse transcender l’histoire. Quand il a découvert le scénario, Guillem a tout de suite été très enthousiaste. Je ne lui ai donné aucune indication. C’est lui qui, visuellement, a tout imaginé, donc le résultat est vraiment la rencontre entre nos deux imaginaires. Initialement, je ne voyais pas spécialement Monika de cette façon. Il a voulu faire des couleurs directes, très franches, et ça nous a énormément plu. Il y a bossé pendant quatre ans. Je trouve que son style très particulier correspond parfaitement à l’univers que j’ai voulu créer, un peu inquiétant, un peu polar, un peu onirique aussi. Il y a quelque chose d’étrange dans son trait, et c’était nécessaire, sinon certaines scènes auraient pu paraître vulgaires.

    A la lecture de la scène du bal masqué, on pense invéitablement à Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick, est-ce une influence que tu revendiques ?

    Non, ce n’est pas voulu, j’adore Stanley Kubrick et j’aime beaucoup Eyes Wide Shut pour l’ambiance qu’il a su y créer. En revanche je déteste la scène du bal dans ce film, elle est trop explicite. Donc on ne peut pas dire que ce soit une influence. Maintenant il est clair qu’on ne peut pratiquement plus faire une scène de bal masqué mystérieux sans être comparé à la scène culte de Kubrick. Ce qui m’intéressait dans ce type de bal, c’est l’atmosphère, mais si on y regarde de plus près, il ne s’y passe pratiquement rien, si ce n’est que Monika et Epson tombent vraiment amoureux l’un de l’autre.

    On trouve également dans l’œuvre un aspect anticipatif, un peu science-fiction…

    Oui tout à fait ! cette dimension va être développée dans le deuxième tome. Déjà ado j’étais fan de science-fiction, je lisais beaucoup des auteurs comme Philip K. Dick. À l’époque personne ne le connaissait. Je suis aussi une grande admiratrice d’Alan Moore et des Watchmen, sans parler d’Enki Bilal qui a été une véritable révélation pour moi. C’est grâce à lui que j’ai compris qu’on pouvait aussi faire de la science-fiction en bande dessinée ! Donc le tome II développera cet aspect de l’œuvre, notamment avec l’androïde que Théo est en train de construire, mais je n’en dis pas plus !

    Tu es également romancière, tes romans sont-ils dans la même veine que cette bande dessinée ?

    Non pas vraiment. Disons que la veine commune, c’est la psychologie. Ce qui m’intéresse c’est explorer la psychologie des personnages, leurs destins et leurs motivations profondes. J’aime prendre un personnage et l’analyser sous toutes ses coutures. Cela, on le retrouve dans tous mes romans. En BD, ça fonctionne différemment, car l’exploration passe par un mariage entre deux imaginaires.

    Le deuxième tome est déjà bouclé ?

    Oui oui ! À part quelques petites corrections au niveau du lettrage, il est prêt à partir en impression, sa sortie est prévue pour septembre.

    Je suppose que la suite nous réserve bien des surprises, acceptes-tu de nous donner un léger avant gout de ce à quoi on peut s’attendre ?

    Tout va accélérer ! L’ambiance sera un peu plus polar/thriller, il y aura davantage de violence. Théo jouera un rôle plus important dans la suite de l’histoire, notamment avec son androïde. Dans le premier volume, je pose le décor. Dans le suivant, chaque élément atteindra son paroxysme. De nouveau, les dessins de Guillem March sont magnifiques, il a dessiné ce que j’avais en tête avec une élégance et une sobriété qui me ravit complètement. Le premier volume était très sombre, le second sera beaucoup plus axé sur la lumière. C’est le passage de Monika de l’ombre vers la lumière, en passant par le feu. Il suffit de comparer les couvertures pour s’en rendre compte. D’une certaine manière, l’objet tout entier est un concept artistique.

    Propos recueillis par Ivan Sculier

    Ivan Sculier
    Ivan Sculier
    Journaliste du Suricate Magazine

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