scénario : Daniel Pennac
dessin : Florence Cestac
éditions : Dargaud
sortie : 3 avril 2015
genre : humour, franco-belge
Pour la première fois, l’écrivain Daniel Pennac s’adjoint les services de la dessinatrice Florence Cestac, et cela pour raconter une histoire qui lui est très personnelle. De leur collaboration est née une bande dessinée à la fois drôle et tendre, dans laquelle on voit bien l’apport de l’un et de l’autre, et qui parvient à faire coexister leurs univers respectifs de manière ludique et équilibrée.
Dans Un amour exemplaire, Pennac raconte un épisode de son enfance – où plutôt quelque chose dont il fût le témoin dans sa jeunesse. Lors de ses vacances sur la Côte d’Azur, quand il avait huit ou neuf ans, Pennac fit la connaissance d’un couple atypique. Jean et Germaine vivaient d’amour et d’eau fraîche, coulant des jours heureux sans enfants ni travail, et ce sous les quolibets et les regards en coin de la bourgeoisie bon-chic-bon-genre. Intrigué par ces deux amoureux bons vivants, le jeune Daniel les côtoya pendant une bonne quinzaine d’années, apprenant à leur contact l’amour des livres mais peut-être aussi le sens de la vie.
Le scénario de Pennac prend une forme enchâssée, puisque l’auteur a choisi d’encadrer son histoire par le récit qu’il en fait à Florence Cestac dans une brasserie parisienne. Cette façon de faire permet de rendre le tout assez interactif, car au fur et à mesure que le narrateur déroule ses souvenirs, le serveur et les clients de la brasserie, ainsi que Cestac elle-même, font leur commentaire, ponctuant ou relançant le déroulé de l’intrigue d’une manière ou d’une autre. Cela permet également à Florence Cestac d’apporter son point de vue décalé et distancié sur la vision de Pennac, par l’intermédiaire de coup d’éclats dans son dessin – comme par exemple une explosion totalement inattendue et gratuite, mais qui apporte de la fraîcheur et du second degré à une scène qui aurait pu basculer dans le pathos.
C’est finalement ce dialogue entre Pennac et Cestac qui s’avère être la partie la plus intéressante du projet. On y décèle beaucoup de tendresse dans le regard que chacun pose sur le travail de l’autre, comme lorsque Pennac parvient à obtenir de Cestac qu’elle dessine le nez de Jean en quart de brie plutôt qu’en pomme de terre comme à son habitude. Et il est vrai qu’il faut bien évidemment apprécier le dessin très singulier de Florence Cestac pour adhérer à la lecture d’Un amour exemplaire…. Mais c’est aussi son style visuel qui rend digeste l’histoire et la narration de Pennac, parfois tenté par le sentimentalisme et le pittoresque. Au final, ce sont peut être plus les dessins de Cestac que les souvenirs de Pennac qui restent imprimés dans la mémoire du lecteur. Comme quoi les auteurs ont beau investir la bande dessinée, celle-ci reste majoritairement un art de l’accroche visuelle.