More

    Vous pensez qu’un festival de film de foot, c’est naze ? Foncez à La Lucarne !

    Faire une enquête sur le premier festival du film de foot en francophonie, voilà un concept original. Comme nous n’avons peur de rien et que l’on avait déjà tenté de décortiquer le monde du ballon rond sur grand écran, votre magazine préféré a dépensé son argent en tickets prohibitifs pour Paris. Est-ce qu’il y a eu retour sur investissement ? Retour sur ce weekend chargé, pas de tout repos.

    Arrivé dès le vendredi, mais sans billet pour la séance du jour (dommage un film documentaire sur le jeu Football Manager, ça donnait envie !), il faut se décider à appeler quelques potes sur Paris et improviser une soirée bien arrosée, qui n’arrangera pas le quota de forme du reste du séjour. Mais le plus frappant avant de partir et ce soir-là, c’est l’incompréhension des gens au sujet du sérieux et de l’intérêt d’un tel festival. Pourtant, rien qu’en jetant un regard sur la programmation, on remarque que l’on ne va pas se taper les matchs de coupe du monde toute la journée, mais bien des films qui ont, tous, leurs intérêts spécifiques, comme vous allez le découvrir plus bas. L’argument ultime pour que l’un d’entre eux m’accompagne dans mon périple ? Dans le premier film de samedi, il y a Stallone en gardien de but ! Argument frappant, n’est-ce pas ?

    Il faut tout d’abord trouver le lieu, le Point Ephémère (http://www.pointephemere.org/), bar artistique sis Quai de Valmy, rue qui borde le fameux Canal Saint-Martin, lieu de la hype parisienne. Le choix est déjà gagnant, car le côté atelier transformé en bar et salle de concert développe un énorme quota sympathie et permet à tous de se sentir à l’aise : un lieu propice pour les rencontres, un lieu idéal pour vivre un festival pendant tout un weekend. Mais comment les organisateurs sont-ils arrivés là-bas ? On a bien sûr demandé à Thibaut Machet, l’un des 4 fondateurs du festoche de nous expliquer : « On cherchait un cinéma mais ce genre de lieu est difficile car il y a plusieurs salles et pour un festival on n’est pas seul : les gens viennent aussi pour d’autres séances. On avait aussi envie de faire autre chose que du cinéma (concerts, expos, etc.) et une amie nous a parlé du Point Ephémère où elle y avait déjà vu des films. On a pris contact avec Frédérique Magal, la directrice, qui, en plus d’être une personnalité de la culture, adorait le foot. Elle était emballée par le projet et a voulu directement nous rencontrer ».

    Pourtant, les autres années, le festival est sorti de ses murs pour leur ouverture : « Les deux premières années, on a fait notre ouverture au cinéma Max Linder, sûrement une des plus belles salles de Paris. Cela permettait aussi d’avoir un beau film en DCP (Digital Cinema Package), dans des conditions très cinéma et d’inviter plus de monde mais le cœur du festival est au Point Ephémère ». Dans ce cas, on se pose alors la question de savoir si la qualité des projections est tout aussi intéressante dans leur antre que dans ce sublime cinéma. Thibaut nous donne quelques explications : « Les conditions de projections ne sont pas toujours très bonnes, on est assis sur des chaises en plastique, on n’a pas un vidéoprojecteur incroyable, on montre parfois des fichiers qui sont des DVD ou des fichiers numériques mais on a quand même eu des bons retours. Les gens sont prêts à faire ce petit sacrifice pour garder l’ambiance du Point Ephémère. Les réalisateurs aussi sont étonnés des conditions de projections et s’inquiète sur leur qualité mais finalement ils adorent le lieu et l’ambiance. Par exemple, pour le documentaire Standard, on avait des problèmes au niveau du son et on avait peur que l’accent belge soit difficile à comprendre mais finalement les gens ont très vite rigolé et on s’est dit, avec Benjamin Marquet, le réalisateur, que les gens comprenaient et entendaient suffisamment ».

    Après avoir vidé nos portefeuilles en payant nos tournées au bar (et encore, à Paris, les verres sont plus chers le soir), on se dirige vers la salle obscure pour A nous la victoire de John Huston avec différentes vedettes du cinéma (Stallone, Michael Caine, Max Von Sydow, etc.) mais aussi les vedettes de football de l’époque (Pelé, Bobby Robson, Paul Van Himst, etc.). Un grand moment culte pour un film pas très réussi mais énormément sympathique. Premier point bonus du festival La Lucarne, les popcorns compris dans le prix du ticket d’entrée et servis au début de séance. Le deuxième point bonus est bien sûr l’interactivité après le film où divers invités, impliqués dans le film ou simplement connaisseurs, se succèdent. Pour cette séance, c’est l’un des rédacteurs en chef de So Foot qui nous explique les coulisses et anecdotes du film.

    On a un peu de temps pour découvrir le reste du lieu et les activités attenantes. En plus de quelques exhibitions artistiques (les goals à travers le monde du livre Terre de Foot, Football Mishmash de l’anglais Alex Bennet et les illustrations graphiques originale de Poster Football Club), un fan de jeux anciens met, à disposition de tous, sa collection sur le thème du football. C’est l’occasion de passer du bon temps dans quelques matchs endiablés de classiques babyfoot et d’autres jeux vintages, qui vivent une seconde jeunesse plutôt que de dépérir derrière une vitrine de musée. Après la seconde séance de l’après-midi, on participera aussi de bon cœur au Quiz Foot/Ciné pour lequel on a rien gagné. La faute à des questions parfois trop franco-française ? Ce qui est sûr, c’est qu’on en aurait voulu plus. L’organisation nous a d’ailleurs concédé que « pour le quiz, on a dû le finir vite alors que ça cartonnait » et ils promettent de prendre plus de temps pour l’année suivante.

    Mais revenons donc sur ce deuxième film. Ou plutôt, pour commencer, sur le court-métrage précédant le long. Un véritable plaisir de remettre au goût du jour les courts-métrages en première partie d’un long. L’après-midi étant consacrée à la place de la femme dans le football, les organisateurs ont réussi à dénicher un court-métrage original filmant les évènements qui se sont déroulés à Istanbul où les hommes furent interdits de stade mais que les femmes et les enfants ont tout de même remplis, dans une ambiance bien plus agréable, bien sûr. Onside est réalisé par Elise Boutié et Nakita Lameira. S’il manque peut-être d’explications, le message passe et fait réfléchir. Place ensuite au documentaire au nom évocateur : Un vrai sport de gonzesses de Faris Haroud. Le reportage dénonce le machisme encore fort présent dans le football et la difficulté pour les femmes de pouvoir, elles aussi, jouer au sport le plus populaire du monde.

    Il est presque 20h, la faim nous tenaille et les bières n’ont pas aidé. Mais heureusement, le festival, pas avare d’originalités surprenantes, a préparé une surprise en hommage à cette séance belge : des frites pour tout le monde à la place du, maintenant traditionnel, popcorn ! Le film choisi ? Standard, le documentaire de Benjamin Marquet, se penchant sur les supporters du club de Liège. Un bel hommage à cette région anciennement minière et forte d’une ferveur populaire pour le foot, héritière d’une population ouvrière vraiment fana de ce sport. Le doc se glisse dans les tribunes au milieu des ultras, suit une prof d’économie vraiment folle de son club, découvre la maison d’un homme qui a transformé l’étage de sa maison en véritable musée du club ou encore les traditionnelles séances d’autographes. Si en premier lieu on sourit, si on peut se moquer parfois d’eux, comme on se moquait des phénomènes présents dans l’émission Strip-Tease, le réalisateur parvient à nous montrer une image plus glorieuse de ces supporters de foot qui, au final, ne diffèrent pas beaucoup de ceux du monde entier. Mention spéciale à la partie du long-métrage se consacrant à la confection, du début à la fin, d’un tifo (les grandes banderoles originales que l’on voit dans les stades et qui déferlent sur tout une partie du public), qui nous permet de comprendre la fraternité de ces gens autour d’un but commun : faire de son club quelque chose de beau, de grand. Si, sans surprise, le réalisateur était avec nous pour répondre à nos questions après la projection, il s’est fait voler la vedette par un autre invité inattendu : Roby De Pauw, l’un des supporters du documentaire, peut-être celui qui a le plus réfléchi à sa condition et qui, sans langue de bois, avoue être pris par le jeu et avoir eu parfois des tendances vers l’hooliganisme.

    Il est déjà dimanche mais heureusement, une grosse journée nous attend. C’est le moment de faire un tour du côté de la programmation et de poser quelques questions sur leurs objectifs, l’absence de compétitions, leurs manières de trouver les films, etc… Et toujours avec Thibaut Machet au micro.

    Concernant votre programmation, est-ce que vous avez envie d’aller vers seulement de l’inédit ou continuer de mélanger nouveautés et films cultes ?

    Les films de foot restent confidentiels et donc faire une programmation avec des films qui ont moins de 12 mois, ce serait dur. Ou alors, on aurait des films vraiment pas terribles. On veut surtout de beaux films, des invités intéressants. D’un point de vue d’équilibre, on ne veut pas montrer trop de nanars ou films commerciaux (Les Seigneurs ou 3 zéros) sans pour autant être trop underground. La qualité plutôt que la quantité. Avoir un ou deux films que les gens connaissent peut aussi servir de produit d’appel pour une sélection plus pointue.

    Envisagez-vous tout de même une compétition à l’avenir, par exemple de court-métrages ?

    On l’a fait l’année dernière et on a eu 50 réponses du monde entier. On en a sélectionné 5 et on a remis des prix et constitué un jury. C’était génial mais on ne le refera pas tout de suite. Car des courts n’étaient pas vraiment bien et c’est dur de continuer chaque année sans perdre la qualité. C’est aussi plus d’organisation, il faut trouver le jury, visionner tous les films, etc. et on n’a pas forcément le temps ou les ressources d’avoir plus d’ambitions.

    Quels sont vos rapports avec d’autres festivals équivalents, comme le Festival 11mm à Berlin ?

    On a eu un partenariat avec eux les deux premières années où chacun venait présenter un film chez l’autre. Mais eux ont une programmation très conséquente, ils sont plus dans la quantité et essayent de montrer tout ce qu’ils peuvent. On a aussi fait un partenariat avec un autre festival en Espagne pour un court. Maintenant ce sont plus des amis, des endroits où on essaye de se rendre. On fait leurs promos et eux de même.

    Les autres festivals de football au cinéma qu’ils promeuvent :

    http://www.11-mm.de/index.php/en/

    http://www.cinefoot.org/

    http://www.chinasportsreview.com/2009/02/20/beijing-to-stage-international-football-festival-this-summer/

    Mais comment et où trouver tous ces films ?

    La première année, c’était facile, on a mis tous ceux qu’on avait en tête. Par la suite, Simon, qui a fait son mémoire sur le football au cinéma nous a rejoint et est un peu notre scout. On a aussi des alertes Google, tout le monde cherche un peu de son côté, de plus en plus de gens nous parlent ou nous soumettent leurs films (surtout courts), le 11mm va nous parler aussi de certains films, les mecs de So Foot aussi.

    Mais revenons au principal, les films proposés, au nombre de deux ce dimanche après-midi. Le premier est une curiosité et un film inédit en français : The Four Year Plan de Mat Hodgson, racontant le projet en 4 ans qu’ont instauré les nouveaux propriétaires d’un club sans langue de bois et sans censure. Ce club, c’est Queens Park Rangers, repris par un consortium de riches entrepreneurs comme Flavio Briatore et Bernie Ecclestone (Formule 1) ou encore Lakshmi Mittal. Des premiers aux derniers instants, ils ont permis à Hodgson de presque tout filmer et cela donne un extraordinaire document sur les coulisses d’un club de football et sur le caractère de ces grandes fortunes qui au final ne savent pas vraiment comment gérer un club sportif alors qu’ils ont réussi à bâtir des empires financiers. Didactique et dynamique, ce reportage est une vraie claque pour tous fans de foot mais aussi pour tous les curieux que le foot business intrigue. Comme la veille, un court-métrage précède le long et c’est l’intriguant Coach de Ben Adler qui est présenté : l’histoire d’un homme et son fils se rendant à un match international de l’Angleterre en France et qui rencontrent un car d’hooligans sur une aire d’autoroute. La dernière projection sera assurée par le film anglais The Damned United qui suit les 44 jours désastreux de l’entraîneur culte et tyrannique Brian Clough à la tête de Leed United. Le débat d’après film avec un journaliste de So Foot et un blogueur spécialisé a rendu le film encore plus passionnant et permis de mieux comprendre le phénomène Brian Clough et les raisons de son échec après avoir fait de Nottingham Forrest l’un des meilleurs clubs du monde.

    Au milieu des projections et jusqu’au soir où le train de retour m’attend, nous avons continué à expérimenter les jeux, discuter avec les personnes croisées pendant le weekend, assister à un débat sur le livre Galère Football Club reprenant le témoignage de joueurs de foot qui n’ont jamais réussi à être des stars et qui ont côtoyé la misère ou les sous-divisions exotiques ou anglaises. Un débat mené par l’auteur, Romain Molina, également journaliste, par Paulo Texeira, agent de joueurs ainsi que Teddy Ngoy, joueur passé par le Standard et Tottenham qui a aussi joué en D6 anglaise. 20h30, tout est fini, il est temps de manger un morceau et de reprendre le train. On est ravi d’avoir pu rencontrer d’autres passionnés de cinéma footballistique, de découvrir un festival encore trop peu connu mais au potentiel évident ou encore d’avoir revu ou découvert des films ou documentaires passionnants. L’ami, convaincu de venir pour voir Stallone en gardien de but, n’a pas regretté une minute de son weekend et de nouveaux arguments sont disponibles pour convaincre les sceptiques à s’intéresser à un tel festival. Car ce n’est pas un simple délire de footeux mais une vraie sélection de qualité, donnant la part belle au cinéma et à la volonté de raconter des histoires originales, intéressantes et belles. Le train démarre et nous voilà déjà loin, prêt à attendre l’année prochaine pour voir ce que nous réserve l’organisation du festival La Lucarne qui se dit : « et pourquoi pas se donner plus d’ambition pour l’Euro 2016 ? C’est l’année ou jamais de le faire ! ».

    Loïc Smars
    Loïc Smarshttp://www.lesuricate.org
    Fondateur, rédacteur en chef et responsable scènes du Suricate Magazine

    Derniers Articles