Ecrit et mis en scène par Sophie Maillard, avec Sophie Arnulf, Mathieu Besnard, Gabriel Da Costa, Séverine Porzio, photo: © Léonor Matet
Du 21 avril au 2 mai 2015 à 20h30 au Théâtre Océan Nord
Toutes les familles traînent leurs casseroles sous une couche plus ou moins épaisse de savoir-vivre et de politesse. Mais sous cette chape se cachent des non-dits, des rancoeurs qui rongent les relations de l’intérieur. Dans L’Enfant colère, Sophie Maillard tente d’exploser ces murs pour revenir à un rapport plus franc.
C’est dans un grand boum que commence L’Enfant colère sur un beat de musique pop. Deux personnages entrent comme un ouragan et dansent, puis préparent une surprise pour les jeunes mariés Nathan et Anne. Ils leur ont préparé une petite chanson, et tout le monde rit, tout le monde danse, tout le monde est heureux et uni. Cette tribu qu’on vient de nous présenter en 2 minutes est aveuglée par la joie. Mais comme nous le dit Clo, si l’obscurité est effrayante, elle protège aussi des emmerdes. Le premier tableau, celui du bonheur est malheureusement aussi celui de l’obscurité. Cette joie rituelle de la cérémonie de mariage est en fait la couche de plomb qui couvre ce qui se passera par la suite.
Et c’est autour d’une table lors d’un dîner rituel que les problèmes se font sentir. Anne arrose beaucoup plus son gosier que le rôti, Clo a trouvé un travail mais Nathan n’y croit pas vraiment et Raphaël s’adonne à des pratiques artistiques ridicules aux yeux de son frère qui régit la fratrie comme un père de substitution. Entre les silences, les petites mises en garde et les petits conseils, Clo craque et ouvre grand la plaie des rancoeurs et des secrets du clan. Entre ces trois-là, quatre en comptant Anne, le torchon brûlait en secret. A eux maintenant de voir comment gérer l’honnêteté brutale de Clo.
C’est un thème universel qu’aborde Sophie Maillard, celui des relations familiales aliénantes. En à peine une heure, elle dresse un portrait juste, drôle, émouvant et fort d’un tableau qui derrière la couche de vernis se craquelle. Les relations fraternelles sont complexes et elle les traite avec une justesse qui fait supposer qu’elles ont été vécues. Les dialogues tapent dans le mille, sont assénés avec une force et un naturel confondants et jouent au millimètre près avec les silences. Sophie Maillard arrive parfaitement à intégrer la notion de non-dit en y insufflant la juste dose de paroles. Elle les masque avec un doigté remarquable pour que chaque mot semble être placé là pour en cacher un autre.
Les comédiens sont agiles, énergiques et naturels. A force d’intensité et de subtilité, leurs mouvements bruts viennent vite flirter avec la danse dans un ballet où seul le corps pourra les libérer d’eux-mêmes et du poids de leur passé. C’est d’ailleurs dans un grand ballet des corps que s’achève L’Enfant colère, un ballet insensé et cathartique où Nathan, Anne, Clo et Raphaël ouvriront grand les fenêtres de leur prison.