Hungry Hearts
de Saverio Costanzo
Drame
Avec Adam Driver, Alba Rohrwacher, Roberta Maxwell, Al Roffe, Geisha Otero
Sorti le 15 avril 2015
Mina et Jude se rencontrent à New York, ils sont jeunes et beaux, lui est ingénieur, elle travaille pour les ambassades, c’est le coup de foudre. Mina tombe enceinte, se nourrit de moins en moins et le couple dégringole rapidement dans ce qui va ressembler à une descente aux enfers provoquée par un besoin maternel de purifier son enfant des éléments toxiques extérieurs, jusqu’à le priver de nourriture essentielle à son développement.
Saverio Costanzo, pour son quatrième long-métrage, filme un drame psychologique avec pour principaux protagonistes de jeunes parents un peu largués, et en toile de fond cette nouvelle vague bio-green-végétalienne-hipster qui pourrait finalement être bien plus nuisible qu’on ne le pensait.
La rencontre entre les jeunes parents incarnés par Adam Driver et Alba Rohrwacher, tous les deux récompensés au Festival international du film de Venise, commençait pourtant très bien.
Une scène digne d’une comédie romantique : Jude et Mina se retrouvent coincés dans les toilettes d’un restaurant chinois empestés par le précédent passage de Jude. Tous deux doivent attendre leur sauvetage dans cette puanteur : rires, gênes… On devine la suite. Ils emménagent, elle tombe enceinte et se marient. Cette atmosphère légère se désintègrera rapidement entre les murs étouffants de l’appartement new-yorkais, théâtre de la folie maternelle de devoir protéger son fils à tout prix des menaces extérieures.
Saverio Costanzo réussit à faire passer le spectateur d’un registre à l’autre sans même qu’il s’en aperçoive. Le film s’engage vite sur le ton de l’angoisse. Dans une interview, Costanzo explique avoir filmé Hungry Hearts en Super 16, un format pratiquement abandonné aujourd’hui, qui a donné au film cet aspect jauni et « vintage ». Voilà pourquoi le spectateur pourrait se croire dans un thriller des années 60.
Un thriller où l’angoisse est à son apogée quand les parents, chacun à leur tour, s’occupent de nourrir le bébé en cachette dans différents recoins de l’appartement. Jude le nourrissant de viande pour l’empêcher de devenir rachitique et Mina faisant ingérer à son fils une huile au nom étrange qui absorbe les nutriments, avec en fond une musique digne des meilleurs films d’horreur. Dans cette atmosphère claustrophobe grandit l’angoisse, filmée de temps en temps à l’aide d’un objectif « Fish Eye », responsable de cette distorsion, qui contribue à l’inquiétude du spectateur.
De l’amour toxique donné par Mina à son bébé subsistent évidemment de nombreux questionnements. En pleine polémique sur l’obligation de la vaccination chez les enfants, ce film interroge sur ce mode de vie et d’alimentation qui fait sombrer Mina et la sépare de la réalité.
Surpris d’avoir assisté à un thriller plutôt qu’à un drame social, le spectateur ne sortira pas indemne de l’univers claustrophobique et angoissant de Saverio Costanzo.