Dear White People
de Justin Simien
Comédie
Avec Tyler James Williams, Tessa Thompson, Kyle Gallner, Teyonah Parris, Brandon P. Bell
Sorti le 25 mars 2015
Dans une université américaine prestigieuse, fréquentée majoritairement par des blancs, la vie de quatre étudiants noirs se voit perturbée quand l’un d’entre eux, Samantha White (Tessa Thompson), décide de lancer une émission radio intitulée « Dear White People ». « Chers Blancs, le minimum d’amis noirs désormais requis pour ne pas sembler raciste vient de passer à deux. Et désolée, mais cela n’inclut pas Tyrone, votre dealer de shit. » Une fois l’équilibre sur le campus touché, les tensions commencent à monter et atteignent leur point culminant lors d’une soirée d’Halloween organisée par des étudiants blancs.
Dans son premier long métrage, Justin Simien a voulu montrer ce que les jeunes noirs peuvent traverser dans une société majoritairement blanche. Le récit s’inspire d’ailleurs de son propre vécu à Chapman University. Cependant, l’imaginaire Université de Winchester n’est qu’un microcosme à travers lequel Simien tente de témoigner d’une réalité toujours présente dans l’Amérique d’Obama qui laisse beaucoup de personnes désillusionnées face au racisme persistant.
Bien que, comparé à Woody Allen, Spike Lee ou encore Almodóvar, Justin Simien affirme son propre style en offrant quelque chose d’innovant et perçant. Il choisit une comédie satirique pour aborder le problème du racisme avec un mélange d’humour et d’outrage bien dosés. Il a suffisamment d’audace pour montrer les choses telles qu’elles sont ce qui résulte en personnages et dialogues très authentiques. C’est une curieuse mise en abime car l’émission de Sam à l’Université de Winchester reflète ce que le film provoque dans notre monde réel. Certains accusent l’auteur de racisme, mais son intention n’est pas de pointer du doigt. Il souhaite partager une expérience, en engageant en même temps un dialogue. Il dénonce les attitudes maladroites envers les Noirs ainsi que les représentations de ceux-ci dans la culture populaire, mais il le fait tout en rigolant.
Cela dit, une fois passée la thématique du racisme, le film parle à tout le monde. Il pose des questions sur la quête d’identité. Comment être soi-même dans une société qui a des attentes spécifiques envers nous ? Du début à la fin de l’histoire, on observe les quatre étudiants lutter pour trouver leur place : Sam, qui se définit entièrement par la couleur de sa peau, Troy (Brandon P. Bell) qui se voit à travers les yeux et les exigences de son père, Coco (Teyonah Parris) qui nie ses racines et désire à tout prix se faire accepter auprès des étudiants plus riches et enfin Lionel (Tyler James Williams) avec ses multiples facettes qui n’a pas envie d’être déterminé par l’une d’elles. Leurs personnages sont très bien construits et attachants. On les accompagne, tout au long de l’intrigue, dans leur évolution et on les voit sortir de boites dans lesquelles ils se sont enfermés au départ. C’est l’histoire du difficile passage à la vie adulte, de choix de leurs propres valeurs et de prise de conscience de la complexité du monde qui les entoure.
Il faut également souligner que le film est très drôle. Il se moque de clichés et en fait un usage atypique. Au lieu de définir les personnages à travers les stéréotypes, il nous oblige à ne pas le faire.
Les répliques sont provocatrices, mais sincères. Il y a aussi beaucoup des références à la pop culture noire et américaine en général. La plupart des blagues va donc probablement échapper aux personnes qui ne sont pas familières de celles-ci.
Le film pose des questions, mais ne moralise pas. Plutôt que de donner des réponses concrètes, il laisse place au débat et à la réflexion. C’est à nous de choisir quelle attitude nous prendrons face au problème perpétuel du racisme. Les quatre personnages principaux nous font d’ailleurs comprendre qu’il n’y a pas qu’une seule solution.
Dear White People mérite sans aucun doute son prix spécial du jury au Sundance Film Festival et Justin Simien, sa place sur la liste « des réalisateurs à voir » du magazine Variety.