Création de Karine Ponties, conception de Karine Ponties et David Monceau, avec Eric Domeneghetty, photo: © Andrea Messana
Du 17 au 28 mars 2015 à 20h au Théâtre de la Vie
La silhouette d’un super-héro plâne sur la scène du haut d’un pan de mur d’où il observe le monde. Et voilà que tout doucement, son corps se glisse le long de la paroi pour finalement tomber et se retrouver prisonnier d’une nouvelle condition. Enfermé entre ces murs, il luttera pour continuer à être ce super-héro pour, peut-être, s’échapper de sa prison.
Le corps est double : il contient en lui la capacité à effectuer de grandes choses, à dépasser sa condition de simple corps mais il est également une prison qui dépérit et finira par mourir. C’est cette irréconciliable condition du corps que Karine Ponties explore dans Hero%. Enfermé entre les murs du décor, le super-héro est contraint d’enfiler un costume mais ses gestes s’enraient comme un vinyle griffé, comme si l’énergie interne de son corps se refusait à être contenue dans un rôle moindre, celui de l’homme d’aujourd’hui.
Mais alors qu’il tente de voler, d’agir, le corps s’épuise peu à peu pour finalement ne plus exister que par se propre limite et celle de son costume : le super-héro n’est plus qu’un banal homme d’affaires, cherchant frénétiquement son téléphone, cirant ses chaussures. Son corps n’est plus magnifique, il ne peut plus rien. A force de tourner à vide, cette belle énergie qui lui permettait de voler a fini par disparaître. Ne reste donc plus qu’une seule solution : la fuite.
Karine Ponties et David Monceau ont conçu avec Hero% un spectacle entre danse, théâtre et cinéma. Jouant sur la fibre humoristique, ils donnent à leur personnage un côté cartoon qu’on retrouve tant dans l’expression corporelle que dans une belle bande sonore qui aligne coups de poings, klaxons de voiture, musiques héroïques et crée un univers qui explose les murs de la prison. Cet univers sonore épouse et transmet en même temps l’état du personnage tantôt héro, tantôt zéro.
Drôle et survolté, Hero% souffre quand même de quelques défauts notamment l’aspect répétitif, pourtant nécessaire à l’épuisement du corps, qui finit par donner l’impression que le spectacle, comme le personnage tourne en rond. Certains effets visuels apparaissent également superflus : le spectacle aurait gagné en intensité à ne se concentrer que sur le corps et le son sans trop souligner son propos par des projections un peu trop évidentes.
N’en reste qu’Eric Domeneghetty, comédien et danseur, offre un corps merveilleux à son personnage. Tantôt fluide comme de l’eau, tantôt brusque comme un coup de poing, ce dernier laisse entrevoir un autre monde où la chaise sur laquelle il tient en équilibre pour voler disparaît et ne laisse plus place qu’à l’imaginaire, ouvrant la scène au rire et à la poésie.
Un peu trop appuyé, Hero% aurait gagné à laisser plus de place à l’interprétation. Néanmoins, on passe un très bon moment au Théâtre de la Vie à regarder ce super-énergumène tenter de reprendre le contrôle sur son corps pour se battre, se transformer et finalement, peut-être, s’envoler loin des murs de sa cellule.