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    Behind / Between au Théâtre 140

    De Marie Béland, Maribé – sors de ce corps, avec Rachel Harris, Peter Trosztmer, Esther Rousseau-Morin, photo : © Julie Taxil

    Du 12 au 13 mars 2015 à 20h30 au Théâtre 140, coopérants par Charleroi Danses

    Dans le spectacle de danse Behind, tout se joue sur des jeux d’ombres et des sous-entendus sonores vu que la scène est masquée par des panneaux-miroirs d’un côté mais noir du nôtre. On se doute qu’il s’agit d’une conversation dansée avec d’abord deux danseuses et puis d’une joute entre 3 personnes. Ceux-ci sont tous liés par la danse, ils s’attirent, se palpent, se découvrent, s’enivrent l’un de l’autre. On ne voit que les ombres qui se projettent sur les murs latéraux de la scène et l’on perçoit certains mouvements de pieds avec un habile système de réfraction de la lumière créé à partir d’une flaque d’eau. Au début, on ne comprend rien, on ne perçoit que des ombres furtives qui s’échappent comme par magie du carcan où on a tenté de les enfermer mais qui réussissent à s’échapper par quelques interstices. Malheureusement, le fait d’occulter la scène de cette manière est très frustrant, on aimerait bien voir ce qui se passe derrière ce rectangle opaque plutôt que de devoir se contenter des objets qui volent et le dépassent ou de bruits suggestifs pour imaginer de quoi il peut s’agir.

    Déstructurer l’image de la danse pour qu’on puisse imaginer nous-mêmes de quoi il retourne, c’est une idée conceptuelle assez tentante mais pas au point de ne rien voir. Et lorsqu’enfin les panneaux s’ouvrent, les danseurs restent invisibles avec à leur place un groupe de musique Stat Quo jouant en live. La curiosité en même temps que la déception finissent par nous ronger.

    Après une demi-heure de danse frustrante l’entracte vient nous délivrer. Une pause qui dure mais on comprend aisément pourquoi lorsque l’on nous autorise à pénétrer à nouveau dans la salle de spectacle : le décor entier a été démonté pour laisser une immense scène dépourvue de tout ornement. Arrivent alors les deux comédiennes danseuses Rachel Harris et Esther Rousseau-Morin rejointe par Peter Trosztmer, qui cette fois nous proposent une gestuelle dansée.

    Dans une cacophonie innommable, chacune d’entre elles nous raconte une histoire différente en même temps. Mais si leurs récits divergent, elles finissent toujours par se synchroniser sur une gestuelle qui convient au deux, quand l’une nourrit l’autre avec des interprétations très différentes des mêmes gestes. Un exercice périlleux et qui ne nous permet pas de nous focaliser sur ce qu’elles racontent parce que, premièrement elles sont québécoises et leur accent est donc déjà difficile à comprendre pour nous, mais il est également impossible de se concentrer longtemps sur l’une ou l’autre car le volume de la déclamation couvre celui de l’autre. Effectivement, le but n’est pas que l’on comprenne ce qu’elles disent mais plutôt le lien qu’il peut y avoir entre elles au niveau de la gestuelle et de son interprétation. Puisque même la façon dont on se déplace est une sorte de danse et que chacun a la sienne.

    Behind / Between ce sont deux manières de travailler et de déstructurer les mouvements et la vision de la danse selon l’idée que l’on s’en fait pour mettre l’accent sur la possibilité de l’imaginaire de se faire son propre spectacle intérieur qui se projette sur un écran noir, chacun pouvant créer sa propre pièce, inventer son propre spectacle. Une idée intéressante mais difficile d’accès tout de même, il n’est pas donné à tout le monde d’apprécier une danse où l’on ne voit rien et une déclamation où l’on ne comprend rien.

    Perturbant mais étonnant.

    Daphné Troniseck
    Daphné Troniseck
    Journaliste du Suricate Magazine

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