De Frédéric Sabrou, mise en scène de Jean-Luc Duray, avec Audrey Devos, Jean-Pierre Denuit, Jean-Luc Duray, Jawad Elbe
Du 6 au 29 mars 2015 à 20h30 au Théâtre de la Flûte Enchantée
L’éthique du comédien est mise à rude épreuve dans une comédie à l’enjeu shakespearien : jouer ou ne pas jouer, telle est la question !
Des comédiens se préparent dans leur loge. Ce soir, c’est incroyable, la salle est remplie. Et pas par des groupes, non ! Que des individuels. Mais ils déchantent rapidement lorsqu’ils réalisent que le théâtre est plein de partisans du FN grâce aux recommendations d’un membre du parti. La représentation aura-t-elle lieu ?
Danger… Public tourne autour d’un sujet très actuel alors qu’en France, et ailleurs, l’extrême droite emprunte la voie royale, guidée par les opportunités de l’actualité. Bien installés dans les fauteuils grinçants du Théâtre de la Flûte Enchantée, les spectateurs regardent les comédiens en proie à un cas de conscience : jouer pour ce public fasciste revient-il à trahir leurs idéaux ? Défendent-ils plus l’art en jouant ou en annulant la pièce ? Rapidement, des clans se forment : Serge, le metteur en scène, et Sam, le régisseur arabe, rappellent les impératifs financiers auxquels ils sont tenus ; l’un y joue toutes ses économies, et l’autre, déjà confronté au quotidien à ces puristes plus Français que Marianne, n’a plus de logement. Face à eux, Julie, la jeune première, et Hélène, diva et amante de Serge, refusent toute concession, se drapant au passage de l’intransigeance qu’elles dénoncent. De débats idéologiques en arguments pragmatiques, d’autres intérêts parfois plus personnels prennent le dessus : se donner bonne conscience, faire payer à Serge son flirt avec Julie, avoir raison pour le plaisir d’avoir raison, etc. Au milieu des discussions, il y a Boris, « la courgette morose », mi désespérant (-péré) mi exaspérant, c’est le loser qu’il faut se farcir : une Joséphine Baker ratée de l’an 2000, ceinture de chaussettes à la taille.
Accessible et divertissant malgré la matière hautement explosive qui y est manipulée, cette pièce de Frédéric Sabrou mise en scène par Jean-Luc Duray pèche par quelques baisses de rythme et surtout par la stéréotypie des deux rôles féminins. En effet, les grands airs du personnage d’Hélène manquent parfois de subtilité et un peu de cette drôlerie pourtant présente chez les autres personnages. Quant à Julie, la préciosité et la gaminerie occasionnelle du rôle lassent parfois, même s’il faut reconnaître que la comédienne maîtrise le cri aigu comme personne : sursauts garantis. Celui qui remporte tous les suffrages, c’est Boris et son air de parenté avec Emile de La cité de la peur (« Prenez un chewing-gum Emile… ») : on en redemande et on nous en sert.
Sans donner de leçon, puisque les messages c’est bon pour les répondeurs, la pièce confronte chacun et chacune dans une ambiance (dé)tendue et (dé)contractée.