auteur : Julie Remacle
éditeur : L’Arbre à paroles
sortie : février 2015
genre : poésie
Julie Remacle observe le monde avec les yeux d’un enfant de 8 ans. Avec une absence presque totale de ponctuation, elle crée une sorte de courant de pensée où elle passe d’un sujet à l’autre. De Julie et Mélissa aux différences culturelles à la mort, elle raconte le monde de quand elle avait 8 ans en le mélangeant à des préoccupations plus contemporaines comme la séparation du pays sous Philippe et Mathilde. Ce mélange de temporalités peut paraître un peu étrange. Tentative d’universaliser le propos ou imprécision narrative, difficile à dire. On aurait plutôt tendance à invoquer la licence poétique mais alors on aurait souhaité que Julie Remacle aille plus loin dans sa démarche.
Si on met de côté ce détail, 8 ans est une petite merveille de poésie. Son auteur capture avec une naïveté d’orfèvre la simplicité d’un regard d’enfant qui retranscrit en termes simples une réalité bien plus complexe avec un imaginaire qui déborde parfois sur le réalisme magique. C’est délicieux de bout en bout et d’une sensibilité incroyable. En très peu de mots, elle parle de l’enseignement, de ce que c’est d’aller dans une école où les choses tiennent ensemble un peu comme par magie, où la salle de gym sert de réfectoire et de salle des fêtes et où on s’amuse à dégivrer l’eau des toilettes en pissant dessus.
Outre le côté « naïf » de la forme, Julie Remacle est critique du monde dans lequel elle vit. La première partie est une lettre contre le système éducatif. Pas vraiment une rébellion car elle tient plus du bon sens que de l’acte politique. Mais comme le système éducatif va contre le bon sens, ce qui semble naturel pour un enfant de 8 ans est perçu comme une mutinerie par un adulte. Et c’est dans ce décalage entre logique d’adulte et simplicité d’enfant que Remacle excelle.
Premier roman de Julie Remacle, 8 ans a la douce poésie de l’enfance et de la Belgique. Une Belgique qui, comme le monde, est mal foutue, bancale presque mais qui tient debout et qu’on aime bien, malgré tout et qu’elle raconte avec la douce amertume d’un petit poète. Et comme un petit Brel, cet enfant trouve dans un décor ordinaire la beauté discrète de notre pays et de notre existence.
« J’habite une planète improbable
dans un pays improbable
près d’un fleuve
ça s’appelle
la Terre
la Belgique
et la Meuse
ça sent les frites et la betterave
c’est souvent l’automne »