Auteur : Thierry Zaman
Edition : Lamiroy
Sortie : avril 2018
Genre : nouvelle
Au premier abord, on pourrait se méfier de ce minuscule livre nommé opuscule étant donné que notre époque, en plus d’être de plus en plus rétive à la lecture, a également tendance à ne pas apprécier le récit court. Pourtant, à l’heure de l’instantané, on aurait tort de ne pas se laisser tenter par le petit quart d’heure de lecture que nous propose Thierry Zaman, auteur bruxellois adepte de la littérature brève, en témoigne ses nombreuses participations sur le site ShortEdition (si vous ne connaissez pas le concept, allez faire un tour sur le site, ça en vaut la peine).
En une trentaine de pages à peine, Thierry Zaman nous emmène dans le dédale des rues de Bruxelles et nous plonge dans l’imaginaire du livre, comme le préfigurait le titre. Il nous dépeint un sujet écrivain, un “Banksy littéraire” qui sème ses livres anonymement dans Bruxelles. Alors qu’autrefois, ce dernier n’aimait ni lire, ni écrire, aujourd’hui encore, il pense la littérature comme peu de gens : “La lecture est un vice. Elle enferme le lecteur dans une bulle qui le coupe du monde, qui le coupe de sa vie. Elle l’entraîne et le maintient dans le marasme des sables mouvants qu’est l’imaginaire” (p.9). Son point de vue d’écrivain sur la lecture va être confronté, au fil de ses errances, à celui de son imprimeur personnel, Gutenberg. Ce dernier l’amènera à réfléchir sur son processus d’écriture et sa conception de la lecture.
Parler de la lecture à des lecteurs ne sera jamais problématique : le public est déjà acquis. Toutefois, on aurait pu s’attendre à un sermon sur le fait que nos contemporains ne lisent plus, et que nous-mêmes, nous lisons de moins en moins. Or, il n’en est rien. Le point de vue sur la littérature est autre. Le discours considère la littérature comme un passe-temps commun, qui tue le temps, endort le présent, nous empêchant de le savourer tel qu’il est. La problématique du récit s’étend ainsi à un questionnement universel.
Ce qui fait toutefois pleinement la force de cet opuscule, c’est sa prose poétique – à la manière de Ponge -, qui s’exprime à travers des figures de style très concrètes. D’abord, des antonomases : un écrivain qui prétend être le “Banksy” de la littérature et Gutenberg, veuf ivrogne imprimeur particulier. Ensuite, des antithèses : un écrivain qui n’aimait pas lire et un imprimeur illettré. Les mots sont travaillés et cela renouvelle le plaisir de lire.
Avec #32 Le semeur de livres, Thierry Zaman nous offre un quart d’heure intense de lecture poétique, un goûter littéraire dans les rues de Bruxelles.