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    1914 : Le Grand Cabaret par les Baladins du miroir

    Idée originale et mise en scène de Gaspard Leclère, avec Stéphanie Coppe, Andreas Christou, Xavier Decoux, Monique Gelders, François Houart, Geniève Knoops, Sophie Lajoie, Mathieu Moerenhout, David Matarasso, Coline Zimmer ; les musiciens Line Adam, Johan Dupont, Aurélie Goudaer, Gregory Houben, Gaspar Leclère, Cédric Raymond, Matthieu Vandenabeele ainsi que les danseuses invitées Luna Gillet, Virginie Pierre et Alanis Van Goitsenhoven et une appariton de Nele Paxinou.

    A la place Flagey le 07, 08, 11, 14, 15 novembre à 20h00; à Jodoigne le 22 novembre à 20h30.

    Des rayures jaunes et bleues qui tourbillonnent dans la mâture du chapiteau, un saltimbanque en équilibre sur ballon qui vous accueille chaleureusement à partir de la pancarte de bois sur laquelle il figure. Une douce odeur de nourriture vient vous chatouiller le nez au premier pas franchi à l’intérieur. Le temps de vous installer, vous découvrez le large hémicycle qui, tout de chaises et de son estrade de bois, se pare de bougies dansant dans un écrin rouge tandis que des façons de réverbères leur disputent le droit de nous envelopper de leur lumière…

    Avec un tel décor, on pourrait croire que le temps s’est retourné en arrière pour contempler ce qui fut autrefois, à moins qu’il ne se soit tout simplement arrêté définitivement il y cent ans d’ici pour nous permettre de nous plonger dans cette époque. Après tout, si un chapiteau devait être pourvu de ce pouvoir, nul doute que c’est celui des Baladins du Miroir qui en serait doté…

    Un spectacle dans un spectacle où le spectateur d’aujourd’hui représenterait le spectateur d’hier, voilà une mise en abîme qui décidément sied parfaitement aux Baladins du Miroir. Pour accentuer cette impression d’immersion, de nombreuses références contextualisent l’histoire sur la place Flagey en 1914. Aussi, ne vous étonnez pas d’entendre parler de Dodo la Saumure (renommé pour l’occasion l’Assommeur) ou de croiser un crieur de journaux bruxellois…

    Avec 1914 : le Grand Cabaret, comédiens, musiciens et danseurs acrobates nous proposent ainsi une représentation complète commémorant à leur manière le tragique centenaire de la Grande guerre. A ce conflit mondial répond un conflit intergénérationnel qui met également en confrontation l’univers figé du cinéma avec le monde vivant des arts forains. C’est que Gaëtano Cippolini, tourné vers le passé, redoute le cinématographe tandis que son fils Jean souhaite vivre le présent le regard fixé sur l’horizon…

    Si l’idée de dissension est traitée en filigrane à travers divers éléments, elle ne frappe cependant pas le spectateur lors de sa mise en scène. On ne sent effectivement pas ces oppositions de manière aussi violente qu’elles auraient pu l’être.

    Au niveau de la réflexion intergénérationnelle, il faut dire qu’il y a très peu de moments où père et fils peuvent marquer leur antagonisme tandis que les nombreux autres personnages qui peuplent ce spectacle ont en général tendance à les pousser vers la réconciliation.
    Quand une altercation a lieu, elle est de courte durée et se manifeste davantage par des problèmes de communication plutôt que sous une franche dispute argumentée.

    La confrontation entre le cinéma et les arts de la rue manque également d’intensité. Certes, nous savons aujourd’hui que le cinéma concurrence fortement l’univers du spectacle. Installés derrière un écran, nous pouvons accéder à tout moment à un divertissement sans nous rendre au théâtre. Pourtant, à ses débuts, le cinématographe est très similaire aux représentations que propose la troupe Cippolini. Le court métrage réalisé par les Baladins à la manière de Méliès le montre parfaitement. Trucages digne de magicien, attention portée aux effets spéciaux plutôt qu’à la narration, accompagnement musical direct… On guette presque la réconciliation entre le père et le fils à la fin du film tant les univers sont proches…

    Quant à la guerre, elle ne saurait mettre en avant les oppositions puisqu’elle ne débute qu’à peine et ne se matérialise qu’à travers quelques titres de journaux et deux costumes militaires.

    Enfin, comment mettre en exergue ce thème du conflit alors que la pièce souhaite aborder une multitude d’autres sujets, tels que la prostitution très répandue à l’époque, le socialisme… Le (trop grand ?) nombre de personnages secondaires ne facilite pas non plus la tâche et accentue l’impression de survol alors que le va-et-vient des comédiens sur scène empêche de s’immerger dans l’histoire lors de la première partie.

    Néanmoins, l’après-entracte qui se concentre sur la représentation des Cippolini est plus posé et nous emporte avec plus de vigueur tandis que les diffèrent numéros provoquent ravissement et émerveillement. Certes, il est dommage que l’élocution gâche de temps à autre l’effet de l’une et l’autre réplique mais petit à petit, une certaine poésie se dégage de la pièce et même la fin un peu abrupte n’empêche pas de nous faire regretter que se termine déjà ce spectacle. Et puis, en fin de compte, avec ses quelques notes de piano ou ce revers d’un costume guetté lors d’un french cancan endiablé, c’était bien cette authenticité propre aux Baladins que nous étions venus chercher et que nous emmenons avec nous, les yeux pétillants et le cœur chaud…

     

    Nassima Cherke
    Nassima Cherke
    Journaliste du Suricate Magazine 1500 dollar loans online.

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