The Neon Demon
de Nicolas Winding Refn
Thriller, Horreur
Avec Elle Fanning, Jena Malone, Bella Heathcote, Abbey Lee, Keanu Reeves
Sorti le 15 juin 2016
Cinq ans après Drive et la révélation de Nicolas Winding Refn à un public plus large que celui qui était le sien, une relation d’amour-haine semble s’être créée entre la critique et lui, quand bien même les propositions qu’il fait sont de plus en plus intéressantes et radicales. Au polar néo-noir stylisé mais – après nouvelle vision – assez vide, ont succédé le déstabilisant Only God Forgives, véritable conte œdipien déguisé en « revenge movie », et ce Neon Demon, annoncé comme le premier film d’horreur du cinéaste. Si la catégorisation du film dans ce genre équivaut presque à un « spoiler » involontaire, sa découverte est une expérience assez inédite, tant il oscille entre satire, expérimental et thriller horrifique.
On y suit l’ascension fulgurante de Jesse, jeune modèle de 16 ans, dans le milieu de la mode à Los Angeles, tandis qu’elle tisse une relation ambigüe avec une maquilleuse et que deux mannequins plus âgés voient son arrivée d’un très mauvais œil. Cet intrigue minimaliste tient lieu de page blanche à Nicolas Winding Refn pour laisser libre cours à son goût pour l’image et les expérimentations formelles, mais lui permet également d’étaler ses influences et d’amener son spectateur vers des horizons neufs, surprenants.
Dans les scènes dialoguées du film, ainsi que dans sa manière d’alterner la satire du milieu qu’il décrit et les séquences étranges, à la lisière du rêve et du fantastique – les virées nocturnes des mannequins dans des boites de nuit aux allures de sociétés secrètes, l’apparition d’un grand félin dans une chambre de motel,… – The Neon Demon fait énormément penser à Mulholland Drive de David Lynch, avec lequel il partage également une structure semblable : une longue première partie aux allures de rêve éveillé et une deuxième partie plus courte et plus cauchemardesque. Mais le sujet ne manque également pas de rappeler le Showgirls de Verhoeven, tandis que l’aspect visuel tire de manière revendicative vers le cinéma de Dario Argento.
Ces références et ces réminiscences à la fois éparses et très précises, ainsi que le presque trop plein visuel du film – en opposition à la simplicité du scénario – opèrent insidieusement une séduction quasiment hypnotique sur le spectateur, et l’utilisation fétichiste que fait Refn de ses acteurs – Elle Fanning en tête – participe de cette impression de spectacle incantatoire, de rite occulte filmique. Dans sa forme, le film annonce ainsi sa bifurcation dans le film de genre, lors de sa dernière ligne droite. Il prépare le spectateur au choc qui l’attend en le mettant dans les mêmes conditions de léthargie que son personnage principal.
Mais c’est bien au bout de l’expérience que le film revêt toute sa dimension d’objet singulier, inclassable, porté par la marque d’un réalisateur qui a créé toute une stylisation dans la conception de ses films, de plus en plus identifiables. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Nicolas Winding Refn a décidé de marquer le générique de son film d’une « griffe », un logo réduisant son nom aux initiales NWR disposées en dégradé et rappelant le sigle YSL.