Retour à Ithaque
de Laurent Cantet
Comédie dramatique
Avec Isabel Santos, Jorge Perugorria, Fernando Hechavarría, Néstor Jiménez, Pedro Julio Diaz Ferran
Sorti le 3 décembre 2014
Une terrasse qui domine la Havane, le soleil se couche. Cinq amis sont réunis pour fêter le retour d’Amadeo après 16 ans d’exil. Du crépuscule à l’aube, ils évoquent leur jeunesse, la bande qu’ils formaient alors, les 400 coups qu’ils ont vécus à l’époque, la foi dans l’avenir qui les animait … mais aussi leur désillusion d’aujourd’hui.
En 2008, le réalisateur français Laurent Cantet avait raflé 6 prix ( notamment une palme d’or à Cannes) et avait été nominé 28 fois pour son film Entre les murs.
Pour son dernier long métrage, Retour à Ithaque, il a travaillé avec l’écrivain cubain Leonardo Padura, qu’il connaît pour avoir lu ses ouvrages mais aussi pour avoir travaillé sur des projets de courts métrages. Le scénario est le fruit d’un travail d’équipe.
Comme souvent dans ses histoires, c’est une histoire de bande, sauf qu’ici, la bande composée d’Amadeo, Rafa, Tania, Aldo et Eddy a largement plus de 50 balais. Ils se retrouvent donc sur cette terrasse pour fêter le retour d’exil d’Amadeo. Les souvenirs reviennent, les blagues d’antan, les filles, les garçons, …. et puis insensiblement, en même temps que la nuit arrive, la conversation glisse et ce qui était au fin fond de leurs tripes ressurgit. Secrets, rancoeurs, espoirs envolés, désillusions du passé… et pourquoi le retour en exil de l’un d’eux qui paradoxalement pose la question de son départ. On revisite l’histoire récente de Cuba. Tous les espoirs que cette génération a pu mettre dans la révolution, toutes leurs désillusions face à la réalité cubaine lorsque la grande soeur Russie, rejetant le communisme, les abandonne économiquement et que Cuba en 1990 et 1991 subit de plein fouet une crise économique sans précédent.
C’est bien d’un huis clos dont il s’agit : tout tourne autour des 5 personnages, mais un huis clos ouvert comme le dit lui-même le réalisateur : « d’un côté, il y a la mer qui devient noire au cours de la nuit, et qui représente cette ouverture souvent impossible vers l’extérieur, qui matérialise aussi l’insularité de Cuba. Et de l’autre côté, il y a une autre mer, qui est une mer de toits, toits-terrasses, avec des gens qui vivent-là, des enfants qui jouent… Et beaucoup de sons qui arrivent de la rue. Comme si la ville s’invitait sur cette terrasse. … »
Les acteurs sont des professionnels et Cubains. Le film est donc en espagnol. Tout cela donne un rendu des plus crédibles. Les conversations, de badine, glissent, comme le soir s’installe, vers des échanges de plus en plus vifs, de plus en plus durs. Alors pièce de théâtre filmée ? Non, car on a cette ouverture vers l’extérieur, symbolisant cet impossible ailleurs. Un film sans action me direz-vous ? Pas un instant je ne me suis ennuyé. Un film où il ne se passe rien alors ? Et bien si, que reste-t-il de l’amitié quand des événements extérieurs viennent choquer la bonne harmonie ? Réponse à l’écran, du moins si vous n’avez pas peur d’un huis clos.
Retour à Ithaque c’est le nouveau pari de Laurent Cantet, primé à la Mostra de Venise (Prix Venice Days).