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    Laissez bronzer les cadavres, Méditerranée à mains armées

    Laissez bronzer les cadavres

    d’Hélène Cattet et Bruno Forzani

    Thriller, action

    Avec Elina Löwensohn, Stéphane Ferrara, Bernie Bonvoisin

    Sorti le 10 janvier 2018

    Il n’aura fallu que quelques courts-métrages, mais surtout deux longs, pour permettre à Hélène Cattet et Bruno Forzani d’instituer un univers à part dans le cinéma de genre. Dans une époque cinéphile qui fait la part belle aux références de tous styles, leur approche fétichiste dans la manière de se rapproprier de nombreux codes et tics de mise en scène leur aura permis de créer des œuvres au final très personnelles. Avec Amer et L’étrange couleur des larmes de ton corps, les réalisateurs se sont emparés du giallo, croisement italien particulièrement codifié entre le thriller et le film d’horreur. Il en résulte deux films qui constituent autant d’expériences fortes, et qui parviennent à mêler une approche expérimentale et sensorielle à un grand souci du détail, que l’on retrouve bien évidemment ici, mais apposé à un autre genre.

    Pour Laissez bronzer les cadavres, on était en droit d’attendre d’Hélène Cattet et Bruno Forzani une relecture des poliziotteschi, soit les néo-polars italiens faisant la part belle à la justice extrajudiciaire et à la violence. Si l’on en retrouve bien entendu quelques effluves, force est de reconnaître que les auteurs ont préféré se pencher principalement sur l’une des multiples sources du genre, et non des moindres, vu qu’il s’agit du western. Il faut dire que le scénario, adapté d’un roman de Jean-Patrick Manchette et Jean-Pierre Bastide, s’y prête bien. En s’intéressant au destin de braqueurs venus se cacher dans la maison d’une artiste située dans un village abandonné bientôt repéré par la police, le film fait la part belle aux scènes de siège, amplifiées par un grand sens du timing.

    En effet, Laissez bronzer les cadavres reprend en partie la structure du livre, qui mentionne l’heure de chacun de ses passages. Ce minutage permet ici d’observer la montée de la tension, mais également de suivre l’action de personnages éloignés à un moment précis, offrant au spectateur une compréhension globale de la situation. Cela lui permet de ne pas être perdu face à des personnages nombreux qui pourraient être noyés au milieu d’une mise en scène millimétrée qui fait la part belle à des images pour le moins marquantes, dont certaines proprement hallucinantes.

    Cet état de fait est d’autant plus vrai lors d’une dernière partie qui fait exploser la structure stricte établie jusqu’alors au profit d’une approche sensorielle plutôt inattendue mais sacrément réjouissante. Hélène Cattet et Bruno Forzani s’en servent pour achever leur jeu sur la temporalité, notamment au travers d’un personnage clé qui voit ses facettes passées et présentes s’unir pour ne faire qu’une. Le long-métrage revêt alors des atours un peu plus fantastiques qui permettent aux réalisateurs de laisser exploser leur créativité dans un déluge de moments forts, à la fois violents et esthétiques. Si l’on ajoute à cela une photographie, un montage et un traitement sonore fortement travaillés, Laissez bronzer les cadavres a tout d’un spectacle total hautement réjouissant. Il contient par ailleurs certaines des plus belles scènes vues sur grand écran de récente mémoire, de celles qui marquent durablement la rétine. Si les détracteurs du duo auront toujours un peu de mal avec leur approche, le long-métrage n’en demeure pas moins quelque peu plus accessible du grand public, ne serait-ce que de par ses thèmes, et constitue un sacré moment de cinéma.

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