Justice League
de Zack Snyder
Action, Science-Fiction
Avec Ben Affleck, Henry Cavill, Gal Gadot
Sorti le 15 novembre 2017
À la sortie de Man of Steel en 2013, les cinéphiles avaient pu découvrir l’univers étendu DC Comics par le biais de clins d’œil disséminés tout au long du métrage : le logo de la LexCorp, un satellite estampillé « Wayne Enterprises » ou l’étendard de Blaze Comics lié au héros Booster Gold. Man of Steel attestait ainsi de l’existence d’autres héros au sein de son univers. Trois ans plus tard, Batman et Wonder Woman faisaient leur apparition dans Batman v Superman : l’aube de la Justice et, avec eux, les personnages de Flash, Aquaman et Cyborg. La Ligue des Justiciers était annoncée !
Alors que Marvel inonde le marché de ses productions depuis 2006 – Thor : Ragnarok, dix-septième film de la licence vient de sortir –, son concurrent DC Comics est longtemps resté à la traîne, cherchant alors à rattraper son retard avec Batman v Superman qui rassemblait en un seul film une quantité d’informations destinées à donner des bases d’un univers cinématographique. Ce dernier fut dès lors largement boudé par la majorité des critiques qui jugeaient celui-ci trop dense, trop long, voire bâclé. Quoi que l’on en pense, et malgré certaines libertés et maladresses, le film – du moins dans sa version Director’s Cut – reste une œuvre unique, portée par la vision esthétisée de Zack Snyder et qui réussit à intégrer DC Comics dans la course aux univers étendus.
Après un peu plus d’un an d’attente, la purge Suicide Squad et le succès colossal de Wonder Woman, voilà que sort enfin le film tant attendu consacré à la Ligue des Justiciers.
La Ligue des Justiciers, qu’est-ce que c’est exactement ?
La Ligue des Justiciers est un groupe de super-héros apparu pour la première fois en mars 1960 dans le numéro 28 du comics The Brave and the Bold (à l’exception du personnage de Cyborg créé en 1980 et établi comme membre fondateur de la Ligue seulement à partir de 2011). Ces héros furent créés suite à la volonté de l’éditeur Julius Schwartz qui souhaitait profiter de la relance des séries Flash et Green Lantern pour remettre au goût du jour un vieux concept : la Société de Justice d’Amérique. C’est ainsi qu’il chargea le scénariste Gardner Fox de donner naissance à cette équipe de héros, à charge pour les dessinateurs Mike Sekowsky et Bernard Sachs d’illustrer les premiers pas de ceux-ci. Le succès fut rapide et dès novembre 1960, le premier numéro du comic book Justice League of America voyait le jour.
Si deux timides portées à l’écran des aventures de la Ligue ont déjà eu lieu, l’une en 1979 intitulée Legends of the Superheroes, l’autre en 1997 nommée Justice League of America, ce Justice League version 2017 est le premier long-métrage réellement assumé présentant la mythique équipe de super-héros.
Justice League, c’est bien ?
Quelques mois après les évènements de Batman v Superman et la disparition de l’Homme d’Acier, une nouvelle menace fait son apparition : le terrible Steppenwolf, venu de la planète Apokolips avec son armée de Paradémons, cherche à s’emparer des trois Mother Box conservées sur notre terre : l’une par les Amazones, l’autre par les Atlantes et la troisième par les Hommes. Devant cette menace, Batman n’aura d’autre choix que de réunir une équipe de super-héros pour protéger le monde.
Les premières critiques l’ont déjà souligné, Justice League est un bon film ! Il possède plusieurs faiblesses, quelques défauts, mais s’avère être une réussite. Il semble ainsi que malgré les nombreux détracteurs de Man of Steel et Batman v Superman, Warner Bros a su maintenir un certain cap et établir – même maladroitement – une ligne directrice qui se solidifie d’épisode en épisode. Loin de chercher à établir un univers pop comme le fait Marvel, DC Comics assume le sérieux de sa formule, tout en y injectant doucement un peu de légèreté.
Dès son ouverture, Justice League présente les répercutions de la disparition de Superman : une chape de plomb s’est abattue sur le monde qui semble avoir perdu tout espoir. Un enchaînement de différents plans souligne la misère et la perte de repères de la société. S’ensuit une présentation de Batman dans une séquence sur les toits tout droit sortie d’une bande dessinée. Quels que soient les reproches que l’on puisse faire à la vision de Zack Snyder, il faut admettre que son portrait cinématographique du Chevalier Noir est novateur et en parfaite adéquation avec ce que l’on a jusqu’ici pu voir dans les pages des comics ou les adaptations animées : sombre, mystérieux, agile, insaisissable. Vient enfin le tour de Wonder Woman, venue empêcher des terroristes de faire exploser une bombe. La Trinité DC Comics – Superman, Batman et Wonder Woman – est ainsi établie dans sa diversité.
Ensuite, ce nouveau venu dans l’univers DC Comics parvient à établir un imaginaire cohérent : la disparition de Superman, protecteur de la terre, donne lieu à l’arrivée des soldats d’Apokolips venus coloniser la planète. Les Mother Box intégrées à l’histoire seront quant à elles présentées par le biais d’un flashback mettant en lien Humanité, Atlantes et Amazones. Dans cette dynamique, le personnage de Cyborg est amené à prendre la place autrefois occupée par le martien J’onn J’onzz au sein de la Ligue, car lui-même lié à ces Mother Box par son Origin Story.
L’univers DC prend donc peu à peu forme sans plus sembler forcé comme c’était parfois le cas dans Batman v Superman. L’une des rares failles dans ce processus est la réputation de Superman, vu comme protecteur de la terre et symbole d’espoir sans que les précédents films apportent réellement d’assise à la chose (par exemple en le montrant sauver des gens d’un immeuble en feu ou ramasser des chatons dans les arbres). L’impression est alors qu’il manque un Man of Steel 2 au milieu de tout cet univers, destiné à humaniser réellement la figure de l’Homme d’Acier. Rien de bien dommageable cependant.
Chaque personnage prend sa place au sein de ce Justice League : Batman exerce ici un rôle de rassembleur, Aquaman apporte un côté sauvage et Flash la touche d’humour décalé, tandis que Wonder Woman fait office de conscience, de lumière. Le tout forme une équipe cohérente et homogène qui ne demande qu’à se voir agrémentée de Superman. Saluons ici encore les choix de casting de DC qui font mouche : Jason Momoa colle parfaitement au rôle – Aquaman devient ici une réelle menace et non plus un gentil garçon qui chevauche des hippocampes et parle aux dauphins – et Ezra Miller, malgré quelques plaisanteries qui ne font pas mouche, personnifie un personnage que l’on se réjouira de voir évoluer.
Question humour, plusieurs blagues tombent malheureusement à plat et on sentira également quelques répliques un peu forcées, mais l’ensemble reste divertissant et ne cherche pas à faire rire gratuitement pour concurrencer Marvel. La tonalité reste sérieuse. On trouvera cependant des situations réellement hilarantes et parfaitement exécutées (la scène du lasso et la référence à Dostoïevski !)
Enfin, il convient de toucher un mot de la bande sonore. Pour ce film, exit Hans Zimmer, bonjour Danny Elfman qui fait son retour chez DC Comics après pas loin de 26 ans d’absence (son dernier travail étant le générique de la série télévisée The Flash en 1990). Si sa partition n’offre rien de révolutionnaire, elle réalise cependant le tour de force d’intégrer les bandes sons précédentes, à savoir les compositions réalisées pour les Batman de Tim Burton ou la série animée des années 90, certains pans du travail de Hans Zimmer et Junkie XL et même des bribes de la partition réalisée par John Williams pour le Superman de Richard Donner ! Par ce biais, DC Comics assume son propre héritage et, aux références issues des Comics, se joindront donc un panel d’images renvoyant aux précédentes adaptations. Le plus grand tour de force de Justice League est donc de comprendre qu’il est préférable d’assumer son riche héritage cinématographique plutôt que de chercher à faire table rase du passé pour créer un univers entier comme l’a fait Marvel il y a de cela onze ans.
Dès lors, on peut se demander : et si Warner choisissait d’assumer son Green Lantern de 2011 ? Après tout, jamais les studios n’ont émis d’avis négatif sur la performance de Ryan Reynolds, Mark Strong constituait le parfait Sinestro et l’on trouve encore aujourd’hui des figurines dérivées de cet univers. Quitte à assumer un héritage, l’idéal ne serait-il pas d’en embrasser jusqu’aux défauts ? La théorie comporte probablement des failles mais si, à tout hasard, elle s’avérait vraie, souvenez-vous que le Suricate était le premier à vous en parler !
En résumé, Justice League est un bon film de super-héros, bien évidemment imparfait mais qui rempli son contrat. Les acteurs sont convaincants et prennent plaisir à jouer leur rôle, la réalisation prend du temps pour installer son histoire et ne cherche plus à fourrer six scénarios différents dans un seul film, l’humour est présent et fait assez souvent mouche, et quantité de références liées à la mythologie DC Comics sont placées dans le récit (on trouve également un clin d’œil à Terminator 2, dans la mesure où le créateur de Cyborg est incarné par l’acteur Joe Morton, l’inventeur du neuro-processeur utilisé par Skynet dans Le Jugement Dernier). Soulignons également une très belle esthétique, tant dans la photographie que dans l’exécution de certaines chorégraphies, ainsi que des entrées en action réellement excitantes pour chacun de ses personnages. Enfin, le film exerce un retour réflexif sur lui-même et la noirceur de l’univers DC si souvent dénoncée, en affirmant lui-même rejoindre la lumière. Les amateurs de productions superhéroïques ne pourront donc qu’être emballés par cette nouvelle production !
Dernier détail, n’oubliez pas de rester après le générique ! Si DC Comics a longtemps fait preuve de réticence concernant les scènes post-crédits, il en offrira ici deux : l’une – tout à fait amusante et qui fera frémir les fans de Flash et Superman – quelques secondes après la fin du film, l’autre à la toute fin du générique qui laisse entrevoir le meilleur pour la suite de l’univers DC et nous ramènera directement au cartoon Challenge of the Superfriends de 1978…