Tout juste vingt ans après la première édition du Graspop, qui comptait déjà Iron Maiden et Slayer parmi ses têtes d’affiche, l’immense plaine de Dessel, avec ses quatre scènes principales (Main Stage 1 et 2, Marquee, Metal Dome), son Classic Rock Café ainsi que sa Metal Plaza, bordée de sa grand roue et de son Foodtruck Fest, s’apprête à accueillir comme chaque année environ 150.000 festivaliers.
Autant se le dire tout de suite, sur le papier, ce jour II n’est peut-être pas le plus captivant des trois. MAIS on n’est jamais à l’abri de bonnes surprises en festival !
Avant 18h50 sur la Main Stage 1, pas grand-chose à signaler. Si ce n’est que les Diables Rouges ont corrigé les Irlandais 3 buts à 0 en milieu d’après midi, que les couleurs nationales, les maquillages et accessoires en tous genres étaient de sortie, et que cela ne pouvait que contribuer à l’ambiance festive sur place.
Avec un sixième passage en dix ans, il est statistiquement très probable que chaque visiteur présent ce samedi dans cette foule compacte ait déjà vu au moins une fois les gallois de Bullet for My Valentine. Ils proposent un setlist bien construit, qui a l’avantage de passer en revue chacun de leurs cinq albums studio, mais qui reste malheureusement extrêmement prévisible. Depuis la sortie de Venom (leur dernier album) en août 2015, c’est à un titre près, les mêmes morceaux chaque soir et dans le même ordre. Difficile de faire moins spontané.
Enfin, il est légitime de mettre en avant ses derniers morceaux même si pour ma part je trouve leurs anciennes compos plus accrocheuses. A commencer par Your Betrayal (Fever,2010) et son intro musicale rythmée par des roulements de caisse claire d’inspiration martiale. Après, comme souvent, leurs refrains ne sont pas assez solides et plombent un peu la belle intensité instrumentale dégagée en début de morceau. La faute en grande partie, il faut l’avouer, à la voix de Matt Tuck que je trouve toujours plus intéressante en cri ou en murmure plutôt qu’en chant à proprement parler. Peu de variations de formule depuis leur premier album en 2005 ; en tout cas, à l’écoute de 4 Words (To Choke Upon) ou Tears Don’t Fall, en fin de set, on constate que niveau batterie et gros riffs, c’était déjà du costaud à l’époque.
L’expérience est décidemment le leitmotiv de cette soirée sur la Main Stage 1 puisque Slayer vient ensuite gratifier le public de sa neuvième présence en 20 ans. Codétenteurs du record de participation au Graspop avec les anglais de Saxon, le second quart du Big Four (of Thrash Metal) à se produire cette année est une machine live bien huilée. Malgré le départ des irremplaçables Jeff Hanneman (décédé) et Dave Lombardo (renvoyé) en 2013, Tom Araya et Kerry King cassent toujours autant la baraque, bien épaulés par les pros que sont Gary Holt (Exodus) et surtout Paul Bostaph (Exodus, Testament), le batteur.
Malgré une fine pluie désagréable, le public est présent en masse dès les premières notes de Repentless, morceau éponyme du dernier album (sorti en septembre 2015) qui ouvre le set. D’une manière générale, le premier tiers du set fait la part belle à des morceaux plus récents, moins connus (Repentless donc, Hate Worldwide, You Against You) tandis que le dernier tiers comptera surtout des classiques de leurs deux albums phares, Reign in Blood (1986) et Seasons in the Abyss (1990). Avec au programme l’envoûtant Seasons in the Abyss, toujours un point culminant, ou les carnages monstrueux que resteront à jamais Raining Blood et Angel of Death.
Au beau milieu du show de Slayer, la curiosité presque autant que le besoin de souffler un peu, m’a emmené vers le Metal Dome où l’ambiance était toute autre. La veille, un Zakk Wylde entouré d’une guitare acoustique et de claviers ne faisait pas vraiment le poids face aux barjos d’Apocalyptica qui jouaient sur la scène du Marquee au même moment. Ce soir, le duel de Californiens livré à distance entre Slayer et Rival Sons est nettement plus serré. J’en veux pour preuve un Metal Dome plein à craquer alors qu’il était plutôt clairsemé hier à la même heure.
Le groupe Rival Sons n’existe que depuis 2009, et n’en est qu’à son deuxième passage au Graspop en 4 ans, mais c’est la toute grosse ambiance avec un public qui a bien bossé les paroles et qui applaudit longuement à chaque fois. En terme d’ambiance, avantage net pour Rival Sons par rapport à Slayer. Le fait que Black Sabbath les ait choisis pour faire toutes les premières parties de leur dernière tournée mondiale ne doit certainement rien au hasard.
Musicalement, on est très loin de Slayer, on sera tous d’accord : ici, on fait face à un hard rock classique avec des passages carrément pop parfois, mais aussi de belles racines bluesy. Leur guitariste Scott Holiday use et abuse de sa pédale d’effets pour ses nombreux solos souvent très intéressants qui m’ont parfois évoqué un Tom Morello, en nettement moins expérimental (comment l’être plus en même temps ?). Le groove et les riffs made in Rage Against The Machine sont particulièrement palpables sur une compo comme Open My Eyes en fin de set. Et le brûlant Keep On Swinging qui suit, chaudement accueilli par le public, conclut en beauté.
Un seul regret à ce stade : le volume sonore. Pas besoin de sonoriser un Metal Dome petit et couvert, comme on sonorise l’immense plaine devant les Main Stages. Slayer avait déjà été le groupe le plus bruyant jusqu’ici, Rival Sons se hissa quasiment à sa hauteur. Que les mixeurs soient encore sourds de la veille, c’est une chose, mais qu’ils anticipent abusivement sur la surdité de TOUT le public, c’en est une autre. Peut-être faut-il simplement l’envisager sous l’angle du témoin naturel que l’on avance dans le festival et que l’organisation table déjà sur le fait que demain soir les oreilles pourront (peut-être) repartir en paix…
A posteriori, à devoir supporter l’insupportable volume de La Muerte le lendemain au même endroit, cette dernière théorie prend tout son sens. Des ear plugs distribuées gratuitement pour tout le monde ? C’est déjà ça… mais désolé, ça n’est pas la solution la plus rationnelle.
La fin de soirée est 100% européenne : les français Thrash/Prog/Death tendance écolo de Gojira avec un monstrueux Mario Duplantier derrière les fûts (solo à découvert admirable) font exploser le Marquee ; les finlandais de Nightwish, emmenés par leur chanteuse néerlandaise Floor Jansen en cuissardes et courte robe de cuir, proposent un métal symphonique à grand renfort de flûtes diverses et variées sur la Main Stage 2 ; tandis qu’à partir de minuit, les habitués danois de Volbeat (5 passages en 9 ans) serviront un heavy metal des plus classiques (ni alternatif, ni stoner, non… suffit d’écouter le populaire Heaven Nor Hell !) à un public de la Main Stage 1 visiblement encore très demandeur.