Le Grand Jeu
d’Aaron Sorkin
Thriller, Drame
Avec Jessica Chastain, Idris Elba, Kevin Costner, Michael Cera, Bill Cam
Sorti le 3 janvier 2018
Pour son premier film en tant que réalisateur, le scénariste Aaron Sorkin (À la maison blanche, The Social Network, Le Stratège, Steve Jobs, …) ne dévie pas vraiment de la ligne tracée par ses précédents scénarios, puisqu’il s’attaque à l’adaptation d’un bestseller retraçant l’histoire véridique de Molly Bloom, une jeune femme qui fut, dans les années 2000, à la tête du plus grand réseau de poker clandestin à Hollywood, avant d’être arrêtée et sommée par le FBI de livrer l’identité des notables, célébrités et autres membres de la mafia russe ayant pris part à son activité.
Dans sa forme, Le Grand Jeu est donc inévitablement un film assez bavard, d’un rythme soutenu et au fond très touffu, qui convoque – comme pratiquement tous les scénarios de Sorkin – des thèmes liés à l’exercice du pouvoir, à ses implications et autres intrications. En cela, il apparaît assez clairement que tous les films et séries précédemment scénarisés par Sorkin étaient d’avantage son œuvre propre, en tant qu’auteur, que celle des cinéastes successifs les ayant réalisés – pourtant eux-mêmes auteurs confirmés (Fincher, Miller, etc.) –, et que ce film-ci se situe dans la suite logique d’un travail cohérent.
Cependant, si l’on peut être admiratif de ce travail de longue haleine d’un scénariste souvent passionnant, on peut également déplorer que son premier film en tant que cinéaste fasse montre d’une certaine inégalité de rythme et d’intensité dans son déroulé dramaturgique. En effet, alors que la première heure centrée sur la naissance et la vie du cercle clandestin de poker – et sur la pratique de ce jeu aux règles et subtilités pourtant parfois absconses, voire rébarbatives – est tout bonnement passionnante, la seconde partie du film, consacrée au déclin de l’empire de Molly Bloom, à son travail de défense avec son avocat et à son procès, s’avère nettement moins trépidante et ne cesse de baisser de régime. De même, l’aspect « psychologique » du scénario, tentant d’expliquer de manière laborieuse que le destin de Molly Bloom est lié à sa relation compliquée avec son père, apparaît comme très artificiel et roublard.
Le Grand Jeu est indéniablement un film de scénario, mais c’est également un film d’acteurs, et les prestations de tous les seconds rôles masculins sont presque unanimement convaincantes (Idris Elba, Michael Cera, Kevin Costner, Bill Camp,…). Car une des particularités du Grand Jeu est qu’il s’agit bel et bien d’un film d’hommes dans lequel le personnage principal se trouve être tenu par une femme. Cette caractéristique n’est certainement pas pour rien dans le choix de Jessica Chastain d’interpréter ce rôle, elle que l’on sait très engagée en tant que citoyenne sur des questions et problématiques liées de près ou de loin au féminisme. Si l’engagement de Chastain transparaît donc de plus en plus dans ses films, cela fait également partie de ce que l’on pourrait reprocher au tour que prend sa carrière, laquelle semble désormais s’articuler autour de films à sujets et de performances « oscarisables », comme c’est le cas pour de trop nombreux acteurs à l’aura grandissante. Il est en effet dommage que l’évolution d’un acteur ou d’une actrice à Hollywood doive automatiquement en passer par là, par cette course effrénée à la crédibilité, dans un système parfois trop investi par l’esprit de sérieux.