auteur : Elsa Osorio
édition : Métailié
sortie : janvier 2018
genre : roman
Avec Double fond, vous allez embarquer pour des allers-retours entre la France et l’Argentine, si chère au cœur d’Elsa Osorio. Nous suivons trois histoires se déroulant à différentes époques : en 2004, Muriel, journaliste française enquête sur la mort de Marie Le Boullec, retrouvée noyée dans une baie de Saint-Nazaire. En 1978, Juana, ardente révolutionnaire argentine, combat la dictature militaire. Et enfin de nos jours, Matias entretient une correspondance avec une amie de sa mère qu’il a à peine connue dans l’espoir d’en savoir un peu plus sur celle qui l’a mis au monde. A priori, rien ne relie ces trois personnages, et pourtant une toile va se tisser entre eux et vous entraîner dans un passionnant puzzle.
Au premier abord, on peut penser que ce livre est trop compliqué. En effet, vous serez bombardés de nombreux pseudonymes animaliers (vous ne porterez dans votre cœur ni le Poulpe ni le Tigre, c’est sûr !) et d’acronymes barbares relatifs à la dictature argentine et à ses opposants révolutionnaires. Premier bon point, on est moins cons après cette lecture. Car oui, l’histoire de l’Argentine ce n’est pas que la main de Maradona, le pied de Messi ou encore un lointain souvenir d’une Madonna rhabillée et sophistiquée, incarnant une Eva Perón poussant la chansonnette. On découvre en effet à travers le combat de Juana, la vie de résistants qui risquaient gros face à un système répressif ultra violent. C’est tout simplement glaçant. Torture, incarcérations de masse ou soumission à la cause militaire sous peine de voir leurs proches se faire zigouiller… En somme, le quotidien de ces hommes et de ces femmes qui revendiquaient simplement un système politique démocratique.
Mais une fois ce complexe décor dictatorial planté, on est emporté dans une intrigue impossible à lâcher. L’auteure fait en sorte d’enrober ses lecteurs dans un cocon paranoïaque effrayant et peuplé de tortionnaires velus aux intentions peu réjouissantes. On en redemande tels de gros masochistes assumés.
C’est grâce au personnage de Muriel que le lecteur découvre des similitudes entre la noyade de Marie Le Boullec et les « vols de la mort », assassinats fréquents organisés par la junte militaire dans les années 70. Ils consistaient tout simplement à balancer les révolutionnaires dans la mer après les avoir anesthésiés. Mais pourquoi ces barbaries seraient-elles en lien avec Marie, adorable médecin sans histoires appréciée de tous dans le village ?
En-dehors de ces évènements politiques et historiques – et au risque de paraître neuneu – il y a dans ce roman un sentiment poignant mis en lumière dans ce monde de brutes, l’amour. Le beau, le vrai, l’amour sans concession qui galvanise le courage des personnages et leur permet de se dépasser, parfois de façon inconsidérée. Du coup, entre deux pages de torture, on a envie de serrer ses proches et de leur faire un gros poutou. C’est ça aussi le talent de bons auteurs, nous faire réfléchir pour ne pas perdre de vue l’essentiel.
Bref, n’hésitez pas à découvrir cette histoire troublante, ce magnifique portrait de femme combattive et courageuse dans cette intrigue aux multiples ramifications.